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Entretien avec Christian Schiaretti, directeur du Théâtre national populaire (TNP) de Villeurbanne depuis 2002[Notice]

  • Bérénice Hamidi-Kim

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  • Bérénice Hamidi-Kim
    Université Lyon 2/EHESS

Entretien réalisé par Bérénice Hamidi-Kim, le 2 octobre 2009, retranscrit par Magali Le Ny, repris par Marion Denizot et relu par Christian Schiaretti.

Bérénice Hamidi-Kim – Est-ce que vous pourriez décrire votre parcours avant votre arrivée au TNP ? Christian Schiaretti – Mon milieu social était exonéré de toute éducation culturelle, un milieu très simple et dans lequel il n’y avait aucun rapport ni au théâtre ni aux arts en général. On considérait, en gros, que ce n’était pas pour nous. En même temps, il y avait une mythologie familiale du TNP. Je me souviens d’une sorte de deuil familial à la mort de Gérard Philipe, non pas parce que mes parents étaient des spectateurs assidus du TNP, mais parce qu’ils considéraient que c’était à eux. Le droit de pouvoir y rentrer suffisait. J’ai eu un parcours scolaire assez brillant à l’école primaire et dans le secondaire qui m’a mené en terminale littéraire. J’étais un grand lecteur entre 15 et 20 ans. J’ai ensuite poursuivi pendant trois ans des études de philosophie, entre la Sorbonne et l’université de Vincennes - Paris VIII, avec un enseignement très brillant : Michel Foucault, Gilles Deleuze, Jean-François Lyotard, François Châtelet, Alain Badiou... J’ai ensuite été coursier-manutentionnaire pendant sept ans au festival d’Automne, alors dirigé par Alain Crombecque. J’ai découvert au plateau Peter Stein, Bob Wilson, Tadeusz Kantor. J’ai éprouvé tout d’un coup une fascination théâtrale qui devait déjà être latente chez moi. Je suis allé au théâtre-école de Montreuil, sur les conseils d’un ami d’enfance. J’y ai reçu une formation d’acteur et en suis devenu permanent pendant cinq ans. Ensuite, grâce à une licence de lettres, je me suis inscrit au Conservatoire national supérieur à Paris comme auditeur libre et j’ai profité de l’enseignement d’Antoine Vitez, de Jacques Lasalle et de Claude Régy. J’ai eu ensuite plusieurs postes d’assistant à la mise en scène ou de dramaturge (notamment de Denis Guénoun), et puis j’ai créé le théâtre de l’Atalante qui se trouve à côté du théâtre de l’Atelier. J’y ai fait mes premières armes, qui ont été fêtées, reconnues. Mais une sorte d’enthousiasme parisien m’a fait peur et j’ai décidé de partir, c’est-à-dire d’aller vers la décentralisation. J’ai succédé à Denis Guénoun à la tête du centre dramatique national de Reims – que j’ai renommé Comédie de Reims, ce qui était un signe fait vers la décentralisation première – et où je me suis installé avec douze acteurs, clos sur moi-même et dans une dévotion à la prosodie ; un théâtre de langue et de langue métrée, si possible. La période rémoise a duré de 1991 à 2002, au cours de laquelle j’ai été président du SYNDEAC (de 1994 à 1996). Si on résume mon parcours, on peut dire que c’est un parcours assez pragmatique qui m’a permis de recevoir une formation très éclectique. B. H.-K. – Comment s’est passée votre nomination au TNP de Villeurbanne ? C. S. – Un inspecteur du théâtre m’a demandé si j’étais intéressé par la direction du TNP de Villeurbanne, après une représentation de Jeanne d’après Charles Péguy au Théâtre national de la Colline, en 1998. Je pense que si on m’a posé la question, c’est pour trois raisons fondamentales. La première relevait de mon passé syndical : on savait que j’avais la détermination politique pour affronter ce genre de difficultés. La deuxième, c’était mon attachement à la décentralisation et ma dimension vilarienne. La troisième raison est, je crois, une certaine tempérance. C’est-à-dire une réputation, dans le métier, d’être quelqu’un qui avait, par rapport à la question de l’héritage, une responsabilité déclarée. À plusieurs reprises, j’ai choisi d’être dans des articulations : le nom de l’Atalante faisait explicitement référence à Jean Vigo, à Jean Dasté et à la famille Barsacq. J’ai …

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