Notes de lecture

GUAY, Hervé, L’éveil culturel : Théâtre et presse à Montréal, 1898-1914, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, coll.« Nouvelles études québécoises », 2010, 354 p.[Notice]

  • Catherine Sirois

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  • Catherine Sirois
    Université du Québec à Montréal

Les débuts de l’activité théâtrale professionnelle au Canada français ont fait l’objet de plusieurs études et l’on sait un peu mieux, aujourd’hui, comment le théâtre a fait son nid au Québec au fil des espoirs, des convictions, des rebuffades et de sains entêtements. Mais très peu de chercheurs se sont penchés sur les liens entre deux sphères d’activité qui, pourtant, se sont nourries l’une l’autre au moment où l’identité culturelle canadienne-française cherchait à s’affirmer : le théâtre et la presse. C’est le champ qu’investit Hervé Guay dans L’éveil culturel : Théâtre et presse à Montréal, 1898-1914, ouvrage tiré de sa thèse de doctorat et paru aux Presses de l’Université de Montréal. Il s’attarde, dans un premier temps, aux genres journalistiques utilisés pour couvrir l’activité théâtrale de l’époque et, dans un second temps, analyse les écrits de sept journalistes qui ont posé les bases de la critique dramatique à Montréal. On le comprendra par le titre du livre, Hervé Guay ne cherche pas à couvrir l’ensemble de l’activité théâtrale québécoise du début du siècle dernier, mais circonscrit son propos au théâtre d’expression française qui se joue dans la métropole entre 1898 et 1914. Cette période s’ouvre avec la naissance des Soirées de famille au Monument-National et se clôt par le déclenchement de la Première Guerre mondiale, qui rappelle sous les drapeaux plusieurs artistes français composant alors les troupes du théâtre francophone canadien. Selon Hervé Guay, il serait faux de parler d’un « âge d’or » – la précarité des troupes et la fragilité de l’acceptation sociale du théâtre empêchent d’utiliser l’expression – mais la période 1898-1914 n’en constitue pas moins une première vague durable d’activités théâtrales professionnelles francophones à Montréal ; c’est à ce titre qu’il s’y intéresse. Du côté de l’activité journalistique, Hervé Guay choisit de concentrer son regard sur la presse généraliste montréalaise francophone. Ainsi son corpus exclut délibérément les activités journalistiques anglophones et celles s’adressant principalement à un lectorat rural. Son analyse porte du reste exclusivement sur les hebdomadaires puisque c’est dans cette presse qu’une véritable pensée sur le théâtre d’expression française s’élabore. Dans les quotidiens, en effet, les revenus importants tirés des publicités des théâtres anglophones, de même que le caractère controversé des productions francophones – que le clergé et les tenants du courant conservateur regardent avec méfiance – amènent ces journaux à couvrir l’activité théâtrale d’expression française avec circonspection. Afin de ne s’aliéner aucun segment du lectorat potentiel, on s’en tient à un journalisme d’information. Du point de vue des hebdomadaires, la donne est différente. Devant la montée fulgurante du tirage des quotidiens, les hebdos doivent se réinventer pour survivre. Le théâtre francophone, boudé par leurs concurrents, devient un de leurs chevaux de bataille. La couverture théâtrale s’y fait ainsi plus substantielle, plus variée, plus régulière et, souvent, porte une signature. La logique économique n’en reste pas moins contraignante. Entreprises financièrement fragiles, les hebdos sont eux aussi tributaires des revenus de publicités, notamment en provenance des théâtres francophones. Ils cherchent alors à traiter de l’activité théâtrale tout en ménageant les susceptibilités des directeurs de troupes. Par ailleurs, les hebdos s’efforcent d’intéresser un public sans trop se mettre à dos les autorités politiques et religieuses. Or, au début du siècle, l’existence même du théâtre francophone est contestée par l’Église qui y voit une activité dangereuse pour les moeurs. Si le théâtre réussit tranquillement à établir son droit de cité au cours de la décennie 1900-1910, il restera suspect aux yeux des autorités ecclésiastiques qui continueront de porter leur jugement sur la base d’une morale étriquée. Dans ce contexte délicat, les hebdos développent toute une série de …

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