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Écritures chorégraphiques et sonores imbriquées : récits de collaborations avec Danièle Desnoyers[Notice]

  • Nancy Tobin

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  • Nancy Tobin
    Université du Québec à Montréal

Ce texte revient sur le processus de création de trois spectacles chorégraphiques auxquels j’ai participé comme conceptrice sonore : Concerto grosso pour corps et surface métallique (1999), Duos pour corps et instruments (2003) et Là où je vis (2007). Ces parcours de recherche-création, traversés avec la chorégraphe Danièle Desnoyers (compagnie Le Carré des Lombes), permettent d’observer comment l’écriture sonore se développe in situ avec l’écriture chorégraphique. Les deux se forment ensemble en s’influençant l’une l’autre. Les trois spectacles choisis témoignent de différents modes de création de la matière sonore : amplification des danseurs, diffusion avec des haut-parleurs inusités, invention d’instruments et citation de musiques transformées. Les récits de collaborations qui suivent révèlent les manières dont la matière sonore a émergé de l’écriture chorégraphique et vice versa. Je reviendrai sur la diffusion, aspect intrinsèque à la conception sonore, tout au long de ce texte. En 1999, Danièle m’a invitée dans la salle de l’Agora de la danse pour écouter un plancher, plus précisément une danseuse bouger sur un plancher de métal, au centre de sa nouvelle création. Elle en était à ses tout premiers essais. La chorégraphie n’existait pas encore. Elle me consultait afin de savoir comment il serait possible d’exploiter le son produit par le mouvement de la danseuse, Sophie Corriveau, sur la surface de métal. Pouvait-on aller au-delà du son acoustique produit par le frottement des pieds sur la surface? Ici, ma mémoire est défaillante. Je ne me souviens pas exactement de la séquence des événements. Quand et comment, par exemple, les chaussures avec embouts de métal ont-elles été intégrées? Sophie les avait-elle à ce moment ou est-ce plus tard que nous les avons ajoutées? Ce qu’il importe de retenir, c’est que la chorégraphe m’a invitée à participer au processus dès les premiers balbutiements de sa recherche, avec le désir de créer une pièce où les écritures chorégraphique et sonore se feraient simultanément. Cette intention formelle et consciente était essentielle à l’émancipation dramaturgique du son. Plus précisément, afin qu’une conception sonore puisse s’intégrer de manière organique à la création, il faut dès l’origine le désir curieux du chorégraphe ou du metteur en scène de considérer la matière sonore comme une possibilité d’exprimer et de faire ressentir « à la même mesure » que le font les interprètes, le décor, les costumes et la lumière. À la suite de cette première écoute acoustique, j’ai proposé à Danièle de faire l’amplification du plancher afin d’entendre davantage le frottement entre les surfaces, la résistance de l’air, les textures de la poussière, le plissement du cuir, les rebonds des lacets. Dès ces premiers essais, il était exclu de procéder à une amplification du plancher par une disposition sophistiquée de microphones autour de la surface. Je savais que cette méthode serait trop coûteuse et complexe à mettre en oeuvre, considérant les conditions financières habituelles des créations de danse au Québec. La prise en considération de ces contraintes pouvait sembler prématurée à ce stade du processus, mais il était nécessaire d’être pragmatique et d’ancrer ma recherche et mon investigation dans le contexte de production réel où devait se concrétiser la création. La stratégie utilisée a donc été de fixer un petit microphone lavallier sur la chaussure (figure 1). Cette méthode a été conservée jusqu’à la fin du processus de recherche et s’est raffinée au fur et à mesure que nous avancions. Deux danseurs seulement, sur l’ensemble des sept, portaient des microphones, ce qui suffisait pour donner l’impression que le plancher entier était amplifié. Je me souviens d’ailleurs qu’à la fin des représentations, des spectateurs allaient souvent toucher le plancher pour tenter de comprendre, je suppose, …

Parties annexes