Revue des revues

Voix et images, no 118 (2014)Degrés, no 160 (2014)Tangence, no 108 (2015)Jeu, nos 154, 155, 156, 157 (2015)[Notice]

  • Sara Thibault

Au cours des deux dernières années, les revues de langue française ont porté une attention accrue au théâtre contemporain. Alors que Voix et images consacrait tout un numéro à la dramaturgie de Daniel Danis, les revues Degrés et Tangence se sont penchées sur l’engagement du spectateur. De son côté, Jeu a traité de thématiques aussi diversifiées que le féminisme, le vivre-ensemble, le sexe et le jeu de l’acteur. Dirigé par Gilbert David, le dossier du numéro 118 de Voix et images, qui correspond également au 40e anniversaire de la revue de littérature québécoise, est consacré à la dramaturgie de Daniel Danis. Les textes présentés dans ce dossier rendent compte des particularités et de l’originalité de l’écriture de cet auteur, dont la pratique marque, au début des années 1990, « l’émergence d’une dramaturgie discordante, d’un théâtre-récit polyphonique qui bousculait bon nombre de conventions du drame dialogué, du personnage, de la fable et de l’action ». Dans le premier article du dossier, Hervé Guay fait une lecture mythocritique de la ritualisation de la fable chez Danis. Il se penche notamment sur les mythes de création et de destruction présents dans plusieurs de ses pièces. Outre l’analyse de ces deux mythes fondateurs, Guay montre la diversité des sources à l’origine de l’imaginaire mythologique de Danis, parmi lesquelles figurent le christianisme, l’hindouisme, le judaïsme et la spiritualité amérindienne. Geneviève Brousseau Rivet et Gilbert David déplient ensuite les différentes strates de la narration du Chant du Dire-Dire pour faire ressortir comment s’entremêlent récit de vie et témoignages des frères Durant dans cette pièce. Les deux chercheurs s’intéressent également à l’analyse de la posture paratopique de Danis dans le paysage théâtral québécois, alors qu’il multiplie les néologismes et les images verbales dans ses textes, participant ainsi d’un procédé d’étrangéisation dans son oeuvre. Audrey Camus se penche sur la romanisation présente dans e. Roman dit. Prenant appui sur les théories de Bakhtine quant à la contamination des autres genres littéraires par le roman, elle analyse la nature composite du matériau narratif à la base de cette pièce, qui puise dans l’épopée, le conte et la chanson de geste et qu’elle associe à une résurgence contemporaine de la ménippée ou du comique sérieux. Camus en vient ensuite à examiner l’hybridation de l’oralité et de la littérarité dans cette pièce, où les tons et les matériaux se mélangent pour rendre compte de manière formelle de la fable qui y est racontée. Puis, Jean-Pierre Ryngaert s’intéresse à la poétique de la parole de Danis, qui procède par accumulation d’épisodes souvent violents. Cette façon de raconter se distingue des usages habituels, alors que l’écriture danisienne est marquée par le gestus de la comparution, du témoignage, de la confidence et du commentaire. Ainsi, le spectateur devient partenaire d’une choralité intime et publique, à la fois objectivante et subjective. Dans son article « Kiwi ou le vacillement des frontières », Joseph Danan expose quatre manières qu’a Danis de se jouer des catégories habituelles du théâtre jeune public : la porosité entre le théâtre et le roman, la prise en charge par l’auteur de l’écriture scénique de son texte, un questionnement sur le tabou qui concerne certains sujets légitimes comme la sexualité, ainsi que le déplacement d’une dramaturgie fortement ancrée en territoire québécois vers l’exploration d’un ailleurs. Marie-Christine Lesage pose son regard sur la posture d’écrivain scénique qu’adopte Danis au tournant du millénaire, laquelle modifie le statut du texte au sein de la représentation. En tant qu’écrivain de plateau, Danis multiplie les langages, notamment audiovisuels et scénographiques, et fait émerger un imaginaire sensoriel où la fable linéaire fait place à un …