Revue des revues

Jeu, nos 159, 161, 164, 165 (2016, 2017)Registres, nos 19, 20 (2016, 2017)Alternatives théâtrales, no 129 (2016)[Notice]

  • Sara Thibault

En 2016 et 2017, les revues de langue française se sont penchées sur des sujets aussi variés que les inégalités sexuelles, le sexe, les paradoxes de l’acteur, les publics, la liberté d’expression, le processus de création de Joël Pommerat et les photographies d’acteurs jusqu’au début du XXe siècle en France. Ces dossiers thématiques témoignent de la richesse de la réflexion sur le théâtre au cours des deux dernières années. Dans son éditorial du numéro 129 d’Alternatives théâtrales, Sylvie Martin-Lahmani souligne le fait que c’est parce qu’elles sont encore grandement désavantagées dans un monde où s’exerce la domination masculine qu’Alternatives théâtrales a choisi de dédier un numéro aux créatrices. Appuyant sa réflexion sur certains passages d’Une chambre à soi de Virginia Woolf, l’auteure énonce les trois axes de réflexion principaux du dossier : l’organisation au sein des entreprises artistiques et culturelles, le contexte inégalitaire de l’écriture et la représentation des corps féminins, principalement en France et en Belgique. Le dossier s’ouvre sur la synthèse de la rencontre publique organisée par le Centre Wallonie-Bruxelles le 8 mars 2016, qui rassemblait des artistes, des intellectuels et des responsables d’institutions invités à réfléchir à la création au féminin. Les invités y abordent la place des femmes en tant que dramaturges, théoriciennes, actrices et spectatrices à l’époque moderne; les inégalités entre les hommes et les femmes dans le champ de la culture; les modèles de parité à suivre ailleurs en Europe (en Suède notamment); le rapport entre le genre et le féminisme ainsi que la nécessité de féminiser la terminologie afin d’augmenter les possibilités d’identification des femmes. Lucien Jedwab, ancien chef correcteur du journal Le Monde, dédie son texte « Les mots pour la dire » au traitement du féminin dans l’orthographe française. Selon lui, ce sont les mouvements des femmes pour défendre leurs droits, dans la mouvance de Mai 68, qui ont permis d’ébranler quelque peu l’archaïsme du vocabulaire pour trouver aux qualificatifs masculins des équivalents féminins. Dans un autre article, Fabienne Darge pousse encore plus loin la réflexion sur le vocabulaire, en déconstruisant l’idée que la pensée serait genrée. En se basant sur un entretien mené avec l’artiste Maëlle Poésy, elle déplore que les metteures en scène soient réduites au regard féminin de leur oeuvre plutôt qu’à leurs qualités esthétiques universelles. Par ailleurs, partant du constat que les émotions n’ont pas d’âge ni de sexe, elle ne voit aucune incohérence à faire jouer des rôles d’hommes par de grandes actrices, comme le font notamment Ivo van Hove ou Guy Cassiers. De leur côté, François Lecercle et Clotilde Thouret abordent la misogynie qui caractérise le discours « théâtrophobe » de l’Église dans l’histoire du théâtre européen, alors que les femmes – autant actrices que spectatrices – étaient régulièrement associées à la menace et à la transgression. Puis, Isabelle Dumont s’entretient avec la philosophe Vinciane Despret à propos de la place des femmes au sein de l’université. Elle explique que, de la même manière que bien des écrivaines cherchent à être reconnues pour leurs oeuvres plutôt que pour leur genre, les femmes scientifiques revendiquent la primauté de leur recherche sur leur sexe. C’est sur la création au féminin en Algérie que se penche ensuite Souria Grandi, qui remarque que, bien que la littérature féminine d’expression française soit en pleine expansion depuis une trentaine d’années, celle-ci demeure hors des frontières du territoire algérien. Elle mentionne deux occurrences de pièces écrites par des femmes et jouées en Algérie – Rouge l’aube d’Assia Djebbar (coécrite avec son ex-mari Walid Garn en 1969) et Le vaisseau des mélodies de Samia Abderrabou en 2003 …