Introduction : les approches inductives en anthropologie[Notice]

  • Karine St-Denis,
  • Jason Luckerhoff et
  • François Guillemette

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  • Karine St-Denis
    Collège Lionel-Groulx

  • Jason Luckerhoff
    Université du Québec à Trois-Rivières

  • François Guillemette
    Université du Québec à Trois-Rivières

Le présent numéro consacré aux approches inductives en anthropologie s’inscrit dans une réflexion entamée lors du colloque Anthropologie au Québec. Diversité des pratiques et pertinences des terrains locaux. Tenu en 2013, ce colloque a réuni des chercheurs institutionnels et des étudiants diplômés travaillant sur des thèmes de recherche aussi variés que la santé, les politiques publiques, les milieux ruraux et la sécurité publique. Les échanges ont prioritairement porté sur les spécificités des approches et méthodes anthropologiques et sur leurs contributions à l’étude des enjeux de la société d’appartenance de l’anthropologue. Par l’approche inductive et descriptive qui caractérise la méthode ethnographique, l’anthropologue parvient à explorer des terrains peu fréquentés par les chercheurs sociaux tout autant que des thématiques de recherche délicates qui nécessitent une implication de longue durée de la part du chercheur. En favorisant l’observation participante et les entretiens qualitatifs, la méthode ethnographique permet de se familiariser avec les pratiques et les convictions des divers acteurs sociaux et de leur donner voix lors de travaux académiques et de recherches institutionnelles et multidisciplinaires. Les anthropologues partagent la même visée : « saisir le point de vue de l’indigène, ses rapports avec la vie, [et] comprendre sa vision de son monde » (Malinowski, 1922/2001, pp. 81-82). Par ce numéro thématique, nous souhaitons poursuivre et approfondir ces premières réflexions. Pour ce faire, nous publions des textes qui explorent, entre autres, deux questionnements : 1) en quoi la méthode ethnographique s’inscrit-elle dans les approches inductives? et 2) comment les méthodes inductives utilisées en anthropologie peuvent-elles contribuer aux recherches académiques et professionnelles? Pour entrer dans ces questionnements, il est important de saisir que la méthode ethnographique est, dès son origine, appréhendée comme une méthode inductive visant la description culturelle (Augé 2006; Evans-Pritchard, 1951; Laperrière, 1997; Malinowski, 1922/2001; Olivier de Sardan, 2008). Cette introduction permettra de s’attarder à ce point primordial. Par un court parcours historique, nous soulignerons, premièrement, que les pionniers de cette méthode – les anthropologues anglais Malinowski et Evans-Pritchard – en ont établi les principes méthodologiques et la valeur scientifique. Deuxièmement, nous montrerons en quoi la publication posthume du Journal d’ethnographe de Malinowski a contribué à la démystification de l’exotisme de cette méthode. Finalement, nous aborderons la diversification actuelle de l’usage de la méthode ethnographique, des techniques de collecte qui y sont associées et sa pertinence lors de recherches locales. Cette diversification sera illustrée notamment par les différents ancrages disciplinaires des recherches dont les articles rendent compte. Avant d’entreprendre cette présentation, nous souhaitons préciser que ce numéro ne s’adresse pas uniquement aux anthropologues. Tout chercheur intéressé par les approches inductives pourra y trouver des apports pertinents pour ses propres travaux. Rappelons que, bien qu’initiée par les anthropologues, la méthode ethnographique n’est pas exclusive à l’anthropologie. Les sociologues, tout particulièrement les sociologues de l’École de Chicago (Anderson, 1923/1993; Becker, 1963/1985; Chapoulie, 2001; Park, 1925/1967), ont, dès les années 1920, utilisé et diffusé cette méthode et les techniques d’observation qui lui sont associées. Cet engouement des sociologues américains a convaincu nombre de chercheurs sociaux de la pertinence de cette démarche inductive et descriptive. Les recherches ethnographiques et les travaux qui s’en inspirent gagnent ainsi en popularité dans des disciplines diverses, comme en font foi certains des articles de ce numéro. De ce fait, réfléchir aux apports épistémologiques et méthodologiques des approches et méthodes utilisées par les anthropologues ne nous restreint pas qu’à une seule discipline. Cette réflexion nous entraîne vers une reconnaissance de la pertinence interdisciplinaire de la méthode ethnographique. Considéré comme le père fondateur de l’ethnographie, Malinowski fixa les trois principes méthodologiques au coeur de cette approche. Premièrement, l’anthropologue doit avoir des visées …

Parties annexes