Introduction : la place de la mobilisation des résultats de la recherche dans les approches inductives : une tension constructive[Notice]

  • François Labelle,
  • François Guillemette et
  • Jason Luckerhoff

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  • François Labelle
    Université du Québec à Trois-Rivières

  • François Guillemette
    Université du Québec à Trois-Rivières

  • Jason Luckerhoff
    Université du Québec à Trois-Rivières

Ce numéro de la revue Approches inductives présente des réponses à certaines questions auxquelles sont confrontés les chercheurs qui souhaitent utiliser la MTE, notamment sur la place dévolue aux résultats des recherches antérieures dans ce processus particulier de recherche inductive. À ce propos, il est généralement reconnu par les chercheurs utilisant cette approche que ce n’est pas tellement la question à savoir s’il faut ou non mobiliser les écrits scientifiques antérieurs sur le sujet qui est importante, mais plutôt la question du bon moment pour le faire et dans quel but. De plus, la finalité et le moment où l’on mobilise les résultats des recherches antérieures doivent faire partie d’une planification flexible qui est fondée sur la posture épistémologique d’ouverture avec laquelle on mobilise ces résultats. Que ce soit au début ou vers la fin de la démarche de recherche, la mobilisation des résultats existants doit toujours se faire avec réserve, avec critique et avec le doute méthodique, et ce, parce que le critère essentiel dans toute approche inductive est la pertinence des résultats par rapport à ce qui vient des données. La réflexion et les décisions du chercheur dans une perspective épistémologique inductive relativisent l’enjeu du moment où il faut mobiliser les résultats des recherches antérieures. Cela étant dit, l’enjeu du moment de cette mobilisation demeure et il y a plusieurs manières de le traiter. Certains chercheurs qui utilisent une approche inductive prennent leur distance dès le début de leurs travaux par rapport à la manière habituelle de mobiliser les résultats des recherches antérieures. Pour ces auteurs, cette prise de distance est fondamentale en induction parce qu’elle permet l’ouverture à ce qui émergera des données au cours du processus de recherche. Elle actualise la préoccupation constante de ne pas imposer des préconceptions aux données, de même que le souci de l’exploration scientifique. L’induction s’opérationnalise dans une logique à l’opposé de l’application des théories et de la logique hypothético-déductive. Concrètement, ces chercheurs évitent de faire une recension des écrits au début de la démarche et s’ils en font une, ce sera pour problématiser et présenter des concepts sensibilisateurs et non pour présenter un cadre théorique qui orientera la recherche. D’autres chercheurs, qui se réclament d’une même posture épistémologique inductive, préfèrent au contraire se saturer des écrits sur l’objet de recherche de manière à s’affranchir des idées préconçues et de leurs propres préconceptions avant même de se confronter au terrain. En ce sens, comme le rappelle Karine St-Denis dans son article, Mauss (1947/2002) conseille de prendre conscience de tout ce que l’on sait (et peut savoir) sur un phénomène afin de s’ouvrir à ce que l’on ne sait pas. Ainsi, la question inévitable de la mobilisation critique des écrits scientifiques soulève de nombreux dilemmes. Parmi ceux-ci : Comment ne pas se laisser influencer par des préjugés lorsqu’on prend connaissance des interprétations qui ont déjà été proposées pour des aspects du phénomène que l’on s’apprête à étudier? Comment s’assurer que l’on ne posera pas des questions maintes fois traitées par d’autres chercheurs? Comment s’assurer d’une véritable contribution scientifique qui provient des données si l’on ne compare pas avec les contributions antérieures? Comment conserver une réserve et un doute méthodique tout en demeurant ouvert? Ces dilemmes se présentent avec une acuité particulière dans des domaines déjà bien documentés où la plupart des phénomènes ont déjà été appréhendés et où les concepts disciplinaires sont bien développés. Savoir comment les phénomènes ont été traités dans les recherches antérieures peut permettre d’éviter de réinventer la roue. Mais cette même appropriation des écrits sur le sujet avant d’entrer en contact avec le terrain risque de faire basculer …

Parties annexes