Avant-propos[Notice]

  • Corinne Denoyelle

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  • Corinne Denoyelle
    Rédactrice en chef, Université de Toronto

À quoi bon créer une nouvelle revue en ce début de XXIe, quand le marché est déjà saturé d’articles universitaires, quand nul ne peut prétendre être au courant de tout ce qui s’écrit et quand les universitaires sont submergés de tâches qui ne leur laissent guère de temps pour expérimenter de nouvelles réflexions ? À quoi bon, surtout, créer une revue en ligne quand se côtoient le meilleur et le pire sur ce nouveau média, quand nos habitudes nous entraînent toujours vers les revues traditionnelles et que la valeur scientifique des contributions universitaires en ligne n’est encore souvent que trop timidement reconnue ? Ces questions ont été constamment présentes dans nos esprits quand nous avons décidé de nous lancer dans l’aventure d’une revue d’études françaises. En réfléchissant à ce qui faisait la spécificité d’une revue par rapport à l’écriture d’un livre, il nous est apparu qu’une revue était un espace de dialogue incomparable qui s’enrichit encore de numéro en numéro. Dans la mesure où les différents articles qu’elle rassemble créent entre eux des effets d’écho et de résonance, qu’ils apportent une variété de points de vue sur une même question, et qu’ils représentent une diversité d’opinions dans un monde universitaire menacé lui aussi par des pensées uniques et lassé de certains débats, une revue apporte à la recherche scientifique une dimension polyphonique et dialogique qui fait sa richesse spécifique. Ce dialogisme est décuplé par les nouvelles technologies qui relient les individus isolés de la communauté scientifique mieux que ne le faisait n’importe quel ouvrage. Jamais nous n’avions pu à ce point bénéficier des apports intellectuels du monde entier, jamais la connaissance ne s’était autant construite de manière si multipolaire. Nous commençons tout juste à sentir les effets de ce formidable renouvellement scientifique, encore mal mesuré. Le pouvoir d’Internet permet une diffusion théoriquement illimitée au delà de nos frontières. La communauté des chercheurs ne se résume plus désormais aux collègues de notre département, de notre discipline, de notre pays ; elle englobe dans le meilleur des cas des réseaux, sur tous les continents, de scientifiques qui se retrouvent devant les mêmes interrogations, les mêmes difficultés. Séparés seulement par un clic de souris, ils peuvent faire circuler des solutions, de nouvelles pistes d’analyse. D’aucuns diront que cela entraînera une uniformisation des idées, nous y voyons au contraire une exceptionnelle opportunité d’approfondissement et de renouvellement. Forte d’une tradition multiculturelle et multidisciplinaire, notre équipe torontoise, qui rassemble des spécialistes de disciplines variées comme la didactique, la linguistique et la littérature, a eu le sentiment qu’elle pouvait contribuer à cette réflexion en plein développement en y apportant son expérience. Nous évoluons, en effet, au sein d’une communauté intellectuelle qui accueille toutes les facettes de la francophonie et qui doit, au quotidien, se situer dans un domaine anglophone dominant. Cette mixité permanente des gens et des genres nous a habitués au débat, à la rencontre et à la confrontation et nous y avons trouvé des valeurs d’ouverture et de dépassement intellectuels. Ce sont sur ces principes que nous avons constitué le comité scientifique qui nous soutient. L’appui de ces chercheurs reconnus dans leur discipline et au-delà est pour nous un encouragement à l’exigence scientifique parfois absente de ce nouveau média. Nous avons appelé cette nouvelle revue Arborescences, car nous nous reconnaissons dans les implications que ce nom suppose : une construction du savoir en réseau, décentrée, où chaque branche s’appuie sur une autre à partir d’un tronc commun qui serait la langue, mais l’oriente vers une nouvelle direction, une nouvelle perspective, où des liens s’établissent à la périphérie qui peuvent irriguer le coeur …