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Michel Roberge est spécialiste en gestion intégrée des documents (GID) et fondateur de l’entreprise GESTAR Experts en gouvernance documentaire, située à Québec. Fort de son expérience, il a enseigné dans plusieurs universités au Canada et à l’étranger. Il consacre une grande partie de sa carrière à la recherche et à la publication de manuels professionnels en archivistique intégrée. Son manuel La gestion intégrée des documents d’activité (GID) technologiques et en format papier est une version à jour d’une ancienne publication traitant du même sujet.

D’entrée de jeu, l’auteur fait une description de l’environnement d’un système de gestion intégrée des documents d’activité (technologiques et analogiques). Une attention particulière a été accordée aux caractéristiques des organisations publiques et privées dans lesquelles ces documents d’activité sont produits et reçus. Roberge identifie les ressources à gérer, en prenant le soin d’en indiquer les formats, les supports documentaires et ceux de conservation. Il met l’accent sur le cadre légal et réglementaire en matière de GID. Il expose, tant au niveau fédéral qu’au niveau provincial, les dispositions des lois régissant le champ de la gestion des documents d’activité. Pour conclure la première partie de ce manuel, l’auteur dresse un portrait des métiers de GID, en identifiant les types d’intervenants, les programmes de formation ainsi que les associations professionnelles locales et internationales en archivistique.

La deuxième partie accorde une place au concept de la GID. Celui-ci est positionné dans le champ de l’archivistique par rapport à la gestion électronique des documents (GED). Ensuite, le système de GID est défini en tant que produit d’interactions entre un ensemble de composantes, à savoir : le schéma de classification, le calendrier de conservation, le thésaurus, les documents normatifs et la solution logicielle. Les fonctions documentaires d’un tel système sont nuancées, et ce, aux divers âges du cycle de vie des documents. Les exigences techniques et légales relatives au transfert et à la migration des supports documentaires sont énumérées vers la fin de ce chapitre.

La troisième partie présente d’emblée la gestion d’un projet d’implantation d’un système de GID. L’auteur aborde cet aspect de gestion sous deux angles : (1) la mise en place d’un nouveau système, et (2) le remplacement d’un système existant. Chacun des deux cas de figure dicte l’adoption d’une approche de gestion distincte.

Dans la quatrième partie, Roberge nuance un ensemble de facteurs de succès d’un projet de mise en place d’un système de GID. Ces facteurs sont d’ordre directorial et technique. Le premier type réfère à la nécessité de définir clairement les objectifs du projet et à l’importance de sa planification. En outre, il est crucial d’opter pour une démarche de gestion appropriée selon la situation. Les intervenants dans les projets de GID, dont les archivistes, les gestionnaires et la haute direction, doivent s’engager afin de veiller à la réalisation effective de ces projets. Le deuxième type de facteurs a trait aux caractéristiques techniques et fonctionnelles du système de GID. Les composantes de celui-ci, à savoir entre autres les outils de gestion documentaire et la solution logicielle, doivent être performantes et conformes aux exigences archivistiques et réglementaires en vigueur. En outre, le système doit comporter des mesures techniques visant à assurer la pérennité de la conservation des documents d’activité.

Ce manuel se veut le fruit d’une riche expérience en GID, une pratique archivistique québécoise par excellence. Roberge a choisi de transférer, dans un style convivial et simple, un ensemble d’astuces qu’il a pu acquérir tout au long de sa carrière professionnelle. Ces conseils sont présentés dans une logique de déroulement d’un projet de GID, depuis l’analyse des besoins, en passant par l’élaboration de la politique organisationnelle, jusqu’à l’installation et le déploiement du système. L’ouvrage est ainsi un miroir reflétant une réalité vécue par les professionnels oeuvrant en archivistique.

L’auteur a présenté la mise en place d’un système de GID en partant d’une perspective managériale. Cela se perçoit à travers l’application de la norme ISO 30300 sur la mise en place d’un système de gestion des documents d’activité (SGDA). Rien de surprenant, l’application de cette norme garantit (1) un meilleur alignement avec la stratégie organisationnelle, (2) une opérabilité avec les autres systèmes d’information organisationnels et (3) une approche centrée sur l’usager. Ces principes font en sorte que les SGDA en tant que systèmes d’information organisationnels de nature archivistique soient mieux valorisés. En outre, dans un contexte où les documents numériques sont en constante abondance, l’application de l’approche par processus énoncée dans cette norme facilite l’exécution de quelques étapes, dont la numérisation et la migration des supports. De tels projets se caractérisent par la complexité et exigent une persévérance de la part des intervenants et une approche directoriale perspicace. La présence remarquable de cette norme dans les propos de l’auteur constitue un point de différence avec la version antérieure de ce manuel.

Outre l’application des lignes directrices de l’ISO 30300, l’auteur souligne les principes énoncés dans la nouvelle version de la norme ISO 15489 sur la gestion des documents d’activité, publiée en 2016. Puisqu’il s’agit d’un ensemble de considérations garantissant la conformité des documents d’activité et des systèmes de GID aux exigences archivistiques (c.-à-d. authenticité, fiabilité, intégrité et exploitabilité), il s’est avéré nécessaire de les aborder dans le contexte de la conduite des projets de GID. Dotée d’un poids considérable, on a perçu l’évocation continue de l’ISO 15489 (première version) dans le Cadre de référence gouvernemental en gestion intégrée des documents (CRGGID). Ce dernier vise à piloter la mise en place de ces projets par l’entremise des principes, de recommandations et de lignes directrices, issus de la pratique archivistique du Québec.

Côté terminologie, Roberge a opté pour l’expression « documents d’activité » pour désigner les archives courantes et intermédiaires (c.-à-d. records) à gérer par le système de GID. Cette appellation est devenue officielle tout d’abord avec la publication de la série des normes ISO 30300, ISO 30301 et ISO 30302 sur la mise en place des SGDA. Elle s’est concrétisée encore plus avec l’apparition de la nouvelle version de la norme ISO 15489 sur les documents d’activité. Rien d’étonnant, le courant normatif en matière de gestion des documents est en constante évolution.

Ce manuel s’adresse à la communauté archivistique québécoise et internationale. En raison de la richesse du contenu présenté et sa conformité à la réalité archivistique québécoise, il contribue à l’avancement des connaissances pratiques en gestion intégrée des documents. Il constitue un bon point de départ pour les archivistes qui désirent entreprendre, pour la première fois, un projet de GID. Il se veut une source d’enrichissement de la littérature professionnelle en archivistique, exigeant constamment des contributions de la part des archivistes. En outre, le portrait détaillé de la réalité québécoise dont ce manuel rend compte renforce la pratique de GID transposée à l’échelle internationale. Enfin, la convergence des notions de l’archivistique avec celles de la gestion, telles qu’abordées dans cette publication, donne naissance à de nouvelles pistes épistémologiques à aborder par les chercheurs en archivistique, et ce, en vue d’enrichir la production scientifique dans ce domaine.