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Tourisme et sexualité en TunisieNote de recherche[Notice]

  • Joseph Lévy,
  • Stéphanie Laporte et
  • Mansour El Feki

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  • Joseph Lévy
    Département de sexologie
    Université du Québec à Montréal
    C.P. 8888, succursale Centre-ville
    Montréal (Québec) H3C 3P8
    Canada

  • Stéphanie Laporte
    Département de sexologie
    Université du Québec à Montréal
    C.P. 8888, succursale Centre-ville
    Montréal (Québec) H3C 3P8
    Canada

  • Mansour El Feki
    Département de sexologie
    Université du Québec à Montréal
    C.P. 8888, succursale Centre-ville
    Montréal (Québec) H3C 3P8
    Canada

Le tourisme, tant local qu’international, constitue l’une des industries mondiales en constante progression. Il représente aujourd’hui près de 12 % de l’économie mondiale et entraîne le déplacement de plus de 500 millions de personnes par année (Harrison 1992). Source de revenus non négligeable, il n’est pas sans avoir des répercussions profondes sur les structures sociales des pays d’accueil, en particulier les pays en voie de développement qui se voient incorporés plus étroitement à l’économie mondiale. Cet arrimage entraîne des transformations souvent profondes dans les secteurs économiques, formels et informels et contribue à la création de nouvelles institutions. Parallèlement, les interactions entre la population locale et les voyageurs entraînent la diffusion de nouveaux modèles de comportements et de valeurs qui peuvent être adoptés ou non par les membres du pays hôte. Ces processus d’acculturation ou de résistance génèrent néanmoins des tensions significatives dans le champ des rapports familiaux, de genre (gender relations) et celui de la sexualité (Kinnaird, Kothari et Hall 1994). Érotisme et exotisme sont souvent conjugués dans les publicités vantant les destinations touristiques, comme le confirment les fameux quatre S : sun, sea, sand et sex. Ainsi, au répertoire classique des objectifs des voyages touristiques (loisirs, affaires, études, congrès, aventures ou circuits culturels), viennent s’ajouter les motivations d’ordre sexuel qui peuvent s’inscrire dans le cadre d’un tourisme sexuel défini « comme un tourisme où l’objectif essentiel de la motivation est de consommer des relations sexuelles commerciales » (Hall 1992 : 64). Même lorsque la destination touristique n’obéit pas directement à de telles motivations, la mise entre parenthèses des normes sociales habituelles, liées au contexte ludique et liminoïde du séjour (Lett 1983), peut amplifier l’occasion de nouer des relations affectives, romantiques ou érotiques avec des membres du pays d’accueil (Graburn 1983 ; Ryan 1991). Ces types d’échanges, sous forme commerciale ou non, se retrouvent ainsi dans plusieurs pays du Tiers-monde et prennent des formes variées selon les contextes culturels et les stades de développement économique et touristique (Hall 1992). Si le profil des services sexuels offerts par les femmes a fait l’objet de plusieurs analyses (voir par exemple, Hall 1994), celui des travailleurs du sexe masculin est moins connu. La présence de beach-boys, d’escortes professionnelles ou amateur autour des plages ou hôtels indique cependant qu’ils remplissent une fonction importante, orientée surtout vers une clientèle féminine en quête d’expériences sexuelles et qui constituerait près de 10 % du contingent des touristes de sexe féminin (Maurer 1992). On les retrouve ainsi dans plusieurs zones géographiques : Moyen-Orient (Cohen 1971 ; Bowman 1989) ; Antilles (Karch et Dann 1981 ; Pruitt et Lafont 1995) ; Équateur (Meisch 1995). Selon les régions, ces rapports s’inscrivent dans un contexte romantique ou plus strictement sexuel. Ces relations ont des répercussions significatives sur la diffusion des MTS et du VIH/sida (Maurer 1992). Les études épidémiologiques indiquent en effet que la progression des MTS et du virus est plus rapide dans les zones touristiques et l’usage du préservatif y est peu généralisé, même dans les zones à haut risque, par exemple en Thaïlande (Vorakitphokatorn et Cash 1992). Comme l’a montré Meisch (1995) pour un village équatorien, la perception locale que le sida ne se transmet que par voie homosexuelle, l’absence d’informations quant aux facteurs de transmission et la rareté des tests de dépistage entraînent une sous-estimation des risques liés aux rapports sexuels avec les touristes. Ces recherches suggèrent donc que le tourisme de type sexuel peut avoir des conséquences importantes sur les styles de vie, les systèmes de valeurs et la santé des populations hôtes. Afin d’illustrer quelques-unes de ces dynamiques, nous …

Parties annexes