Comptes rendus

Paul Sillitoe, Social Change in Melanesia : Development and History. Cambridge, Cambridge University Press, 2000, xx + 264 p., carte, photogr., réf., index.[Notice]

  • Christine Veilleux

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  • Christine Veilleux
    Département d’anthropologie
    Université Laval
    Sainte-Foy (Québec) G1K 7P4
    Canada

Voici un bel ouvrage d’introduction à l’anthropologie du développement. Davantage destiné au grand public, il pourra tout de même intéresser un lectorat plus averti qui cherche un bon survol général des thématiques associées au changement social vécu par les cultures du Pacifique au cours de leur histoire. Les exemples cités par l’auteur proviennent majoritairement de la Papouasie-Nouvelle Guinée mais son intention est d’offrir des pistes de réflexion applicables à toute la Mélanésie. En cela, il complète son premier ouvrage, An Introduction to the Anthropology of Melanesia : Culture and Tradition (1998), qui présentait la région selon les grands paramètres de l’anthropologie classique. Pragmatique, voire parfois humoristique, et résolument engagé dans la branche appliquée de la discipline, l’auteur voit l’anthropologue non pas comme un acteur qui facilite le passage en douceur des pays en développement dans le monde industriel, mais plutôt, bien plus modestement, comme « acting as weak brakes on the development juggernaut […] as Band-aid remedies at the local community level when transplant surgery is demanded at the international one » (p. 8 ; p. 11). Chacun des chapitres présente et critique un thème de recherche contemporain en anthropologie du développement : modernisation et dépendance, nationalité et identité culturelle, développement participatif et savoirs indigènes, ethnicité et orientalisme, développement économique et urbanisation, mouvements millénaristes (cultes cargo) et transformations religieuses, tout en soulignant l’apport privilégié de la discipline dans chaque domaine. L’auteur cherche, en fait, à exposer les implications sociales des interventions réalisées dans le cadre de l’aide et du développement international encore fortement teintées d’évolutionnisme (théorie de la modernisation). On peut déplorer, en ce sens, qu’il n’accorde que quatre pages à la problématique des rôles et rapports sociaux selon le genre. Bien que les femmes soient intégrées dans une division du travail, notamment agricole et commerciale, établie selon le genre, et qu’elles aient une « domestic worldview » (p. 103), l’auteur affirme que les cultures mélanésiennes sont basées sur des relations d’égalité. Qui plus est, il critique sans les nommer les auteurs étrangers qui ont préjugé du statut d’infériorité des femmes dans les relations sociales au sein du ménage et dans l’économie informelle. S’agit-il de l’une ou l’autre des deux seules références portant sur le genre en Mélanésie citées dans l’ouvrage ? À vouloir embrasser d’un coup toute la diversité culturelle mélanésienne, on risque d’en simplifier quelques aspects non négligeables. Sillitoe a l’avantage de traiter d’une région qui a été largement étudiée. À ses riches données de terrain s’ajoutent des extraits de comptes rendus anthropologiques et historiques qui, se complétant, lui permettent d’interpréter la confrontation de l’histoire rapportée par les Européens et par les peuples mélanésiens. Les interprétations culturelles des uns face aux autres évoquent, en parenté lointaine, l’exposé de Marshall Sahlins sur la structure de la conjoncture dans Les îles de l’histoire. Les événements historiques portent des signatures culturelles et temporelles distinctes, car ils font appel aux héritages, catégories et référents culturels de chacun, orientant ensuite le sens, l’importance et la place qui leur seront accordées, mais aussi la réponse qu’on y donnera, personnellement et collectivement. Le souvenir et l’interprétation wola du passage, en 1935, d’une patrouille d’exploration européenne, tels qu’ils apparaissent dans les entrevues de l’auteur, illustrent les différences non seulement entre les deux groupes culturels mais aussi entre les personnes (chapitre trois). Par ailleurs, l’auteur critique les théories de la modernisation et de la dépendance qui ne riment trop souvent qu’avec changement technologique et croissance économique. Donnant l’exemple du passage de l’outillage de pierre à l’outillage de métal chez les Siane, il démontre d’abord que l’augmentation du temps disponible ne s’est pas traduit en augmentation de …

Parties annexes