Cet ouvrage réunit des textes issus du séminaire de Georges Condominas qui s’est tenu entre 1973 et 1983 à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. Les contributions, consacrées à l’esclavage en Asie du Sud-Est et dans le monde insulindien, n’ont pas toutes été révisées depuis cette époque. Outre l’introduction et la conclusion que Condominas a rédigées, l’ouvrage comprend des index analytiques de noms propres et de noms vernaculaires. John Kleinen discute des modifications apportées à la théorie de Nieboer sur l’esclavage. Étant donné l’influence de l’Inde et de la Chine sur l’Asie du Sud-Est, Condominas a cherché des contributions sur ces deux régions, mais seul Henri Stern a répondu à l’appel. Les formes de dépendance extrême en Inde sont assez différentes de celles de l’Asie du Sud-Est, car elles s’insèrent dans le système des castes, institution unique. Le reste de l’ouvrage est divisé en trois parties, L’esclavage dans les petits espaces sociaux, L’esclavage dans les espaces sociaux intermédiaires, et Esclavage et pouvoir étatique. Sauf pour la dernière section, cette organisation est un peu artificielle, comme on le voit avec les Moken, nomades marins pour qui l’esclavage était une « chasse aux humains destinée à la vente et faite par des Malais musulmans » (Jacques Ivanoff). Les Moken font partie d’un espace social qui s’étend bien au-delà des limites de leur catégorie ethnique, car ils ont été pirates, commerçants et pêcheurs. Ce long article (55 pages) est touffu, parfois obscur. L’article de Daniel Léger sur les Bahnar-lao du centre Viêt-nam est encore plus long (63 pages) ; la richesse des données le rend difficile à lire, mais c’est une source inestimable pour l’étude comparative. Esteban Magannon décrit une forme de dépendance assez modérée chez les Kalinga des Philippines, chez qui certains individus en difficulté obtenaient la protection de familles puissantes. Leurs biens, y compris leurs terres, devenaient la propriété de leurs protecteurs s’ils finissaient leurs jours avec eux. À partir de la littérature (jusqu’en 1980), Antonio Guerreiro fait le point des relations de dépendance chez les Iban, Kayan, et Ma’anyan de Bornéo. Trois articles font le point sur Madagascar. Les esclaves tañala jouaient un rôle secondaire dans les activités productives jusqu’en 1850 ; jusque alors, l’esclavage domestique était réservé aux détenteurs de pouvoir (Philippe Beaujard). Toujours dans le Sud-Est de Madagascar, Dominique Rolland mentionne les parias antevolo, sans vraiment les décrire. Jean-Pierre Domenichini et Bakoly D.-Ramiaramanana présentent une vision assez bénigne de l’esclavage malgache, où l’esclave ne devait à son maître que le douzième de son temps et où les esclaves héréditaires ne pouvaient être vendus sans leur consentement. Il semblerait que le souverain ne pouvait posséder d’esclaves. Dans un excellent travail, Lu Hui décrit l’organisation sociale des Yi des Montagnes Fraîches (Sichuan et Yunnan), avant et après l’impact du pouvoir communiste (à partir de 1956). Les Yi Noirs formaient 7 % de la population mais possédaient 70 % des terres, qui étaient cultivées par les serfs (50 % de la population) et les esclaves métayers (ajia) (33 %). Il y avait en outre des esclaves domestiques (gashy) (10 %). Les deux catégories d’esclaves étaient très liées l’une à l’autre : le maître d’une famille ajia pouvait exiger que certains des enfants deviennent gashy. Les gashy pouvaient devenir ajia. Par contre, les serfs ne devenaient esclaves que s’ils ne pouvaient payer leurs dettes. Les Yi Noirs préféraient l’élevage à l’agriculture ; ils effectuaient des raids pour réduire des captifs en esclavage et faisaient également la traite des esclaves. Les serfs devaient à leurs maîtres de cinq à vingt jours de corvées agricoles par an …
Parties annexes
Référence
- Reid A. et J. Brewster (dir.), 1983, Slavery, Bondage and Dependency in Southeast Asia. New York, St. Martin’s Press.