Comptes rendus

Laurence R. Goldman (dir.), Social Impact Analysis. An Applied Anthropology Manual. Oxford et New York, Berg, 2000, 347 p., réf., index.[Notice]

  • Louis Guay

…plus d’informations

  • Louis Guay
    Département de sociologie
    Université Laval
    Québec (Québec) G1K 7P4
    Canada

Les années 1960 ont vu naître des demandes pour des recherches sociales appliquées. L’État providence qui se constitue semble avoir besoin de données, d’analyses pour comprendre les problèmes sociaux et pour intervenir de manière adéquate afin de les résoudre. Dans les années 1980 et 1990, les demandes extérieures semblent se faire plus pressantes. Le mouvement s’accélère : il est double. D’une part, les grandes organisations sociales, État, entreprises, mais aussi les ONG, expriment des besoins de recherche sociale. D’autre part, les spécialistes des sciences sociales recherchent une légitimité nouvelle et désirent se faire plus « pratiques ». C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre ce livre sur l’analyse des impacts sociaux. Dans l’introduction, Laurence Goldman et Scott Baum sont on ne peut plus explicites : l’anthropologie peut et doit contribuer à la compréhension des impacts sociaux des projets de développement (axés dans le livre sur l’utilisation et l’exploitation des ressources naturelles). Ces opérations ont certes des impacts écologiques, mais aussi, ce qu’il ne faudrait pas négliger, des impacts sociaux, notamment culturels. Le texte est un manuel, un guide de bonne pratique d’étude d’impact. Les articles abordent à tour de rôle les divers aspects qui forment une évaluation étendue et approfondie des impacts sociaux. Les exemples sont principalement tirés du contexte australien et sud-asiatique. Dans un article de synthèse, Western et Lynch décrivent les différentes étapes qui structurent l’évaluation des impacts sociaux. Les auteurs s’attardent à bien distinguer les niveaux d’impact potentiel. Les changements occasionnés par un projet peuvent se manifester à des échelles tout à fait différentes et selon des temporalités plus ou moins longues. Les auteurs déplorent que souvent les effets à plus long terme ne soient pas suffisamment pris en considération et que les ressources manquent pour suivre l’évolution d’une collectivité vivant les changements consécutifs à un grand projet de développement. Un des maîtres mots de ce livre est l’expression scoping, processus par lequel les praticiens et les chercheurs examinent toutes les voies possibles que peut suivre une étude d’impact. Il essentiel de bien définir et préciser ce qu’on veut et peut faire. Avant de commencer l’étude d’impact, il convient de situer le cadre juridique et administratif de l’enquête. Les territoires sont le produit de divisions politiques qu’il faut connaître. La gestion des ressources est aussi soumise à des juridictions partagées. Branch et Ross, qui ont acquis une grande expérience en cette matière, élaborent un modèle de choses à faire pour mener à terme une étude d’impact complète. Pour ces deux auteurs, la consultation des groupes touchés est importante, voire primordiale. La participation publique est d’ailleurs conçue tout au long de l’ouvrage comme un élément central de l’étude d’impact. La troisième partie traite de l’évaluation proprement dite. Les articles sont moins généraux et théoriques, s’appuyant sur les études de cas variés et des évaluations d’impact particulier, par exemple sur la santé des groupes touchés. Des matrices d’impacts à observer, à mesurer, à évaluer sont présentées et, parfois, appliquées à des cas concrets et réels. J’attire l’attention sur un article de Goldman concernant la cartographie sociale (social mapping), qui explore, grâce à des cartes construites sur la base d’informations recueillies auprès de répondants, l’espace de pratiques et de symboles défini par une collectivité. Il est suivi d’une enquête en territoire américain, auprès des Ojibwan des Grands-Lacs, permettant d’identifier les sites symboliques et archéologiques significatifs pour ce groupe autochtone. Le résultat d’une telle enquête peut conduire à contester, mettre en doute, les identifications et les classifications officielles et à établir des zones qu’il faut absolument protéger. Un cas intéressant, décrit avec beaucoup de soin, est le projet de …