Ce numéro présente quelques réflexions autour du concept de « culture », de la redéfinition contemporaine des mondes culturels et de la difficile négociation de la reconnaissance et de la co-existence. Il y est question de réorganisation et de repositionnement des rapports sociaux et des trajectoires identitaires, ainsi que de sensibilités et de consciences culturelles, de contestation et de négociation de sens, mais aussi de circulation et d’échanges, enfin de thèmes anthropologiques et de pratiques signifiantes qui ont toujours été au coeur des mondes culturels et des relations interculturelles, mais lesquels se posent aujourd’hui de manière encore plus aiguë face aux forces de la mondialisation et du capitalisme global, d’une part, et aux volontés de revendications et d’affirmation identitaires et culturelles, d’autre part. Le titre que nous avons choisi nous semble évocateur de certaines réalités contemporaines autour du concept de culture sans prétendre toutefois les aborder toutes. L’époque où les anthropologues discutaient et débattaient du concept de « culture » à l’intérieur essentiellement des limites de la discipline est révolue. Dans les années 1980, alors que la discipline traversait une crise de représentation et que les anthropologues doutaient de leur « invention », des disciplines connexes se sont approprié le concept de culture ; on assista aussi à l’avènement et à l’essor des cultural studies. De plus, chez eux et sur le terrain, les anthropologues sont témoins depuis une quinzaine d’années de la présence croissante de la « culture » tantôt comme objet rhétorique – dans une forme souvent essentialiste – tantôt comme outil politique et objet de revendication et de réaffirmation identitaire. Ces processus d’objecti-vation de la culture et usages contemporains du concept présentent une double facette de politisation et de dépolitisation. Ce sont de tels processus que les auteurs du numéro explorent et interrogent en prenant appui sur des réalités empiriques locales. S’interroger sur la culture, et les anthropologues l’ont compris depuis longtemps, c’est s’interroger sur sa prégnance, comme processus vécu et comme expérience partagée, mais aussi sur la pluralité des mondes culturels et la complexité de leurs interrelations. Pierre angulaire de la discipline anthropologique, le concept de culture a pourtant été depuis les années 1980 plutôt malmené, tout à la fois nié et revisité, contesté et déconstruit, mais il a gagné néanmoins en complexité et en sophistication. Après les critiques postmodernes et déconstructionistes, la crise de représentation qui a traversé la discipline, et dans la mouvance de la mondialisation et du capitalisme global, on peut en effet se demander : Mais que reste-t-il de la culture? S’est-elle dissoute et fragmentée au point de n’être plus repérable, ni dans les êtres, ni dans leurs productions et leurs pratiques, ou dans leurs relations entre eux? Les mondes culturels seraient-ils devenus des arrangements transitoires et fragmentaires, essentiellement hybrides et en constante recomposition? Sans tomber dans ces extrêmes, il est évident toutefois qu’il nous fallait repenser nos façons d’appréhender les mondes culturels, mais aussi la question des différences et des espaces interculturels. Non seulement les « posties » et le paradigme déconstructionniste n’auront pas été vains, mais ils gardent toute leur pertinence au sein de la discipline, ne serait-ce que par le regard critique et réflexif qui les caractérise ; un regard dont la discipline ne saurait se passer dorénavant . Comme théorie et comme pratique, l’anthropologie est portée par un nouveau souffle, plus mature, qui lui est inspiré à la fois de l’intérieur de la discipline, mais surtout, dirions-nous, par la force, la créativité, la plurivocalité, la persistance et la redéfinition des mondes culturels aux prises très souvent avec des dilemmes, des contraintes, des souffrances jusque là inégalés. C’est …
Parties annexes
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