Comptes rendus

Recherches féministes, « Féminin Pluriel » Université Laval, Vol. 14, n° 2, 2001, 202 p.[Notice]

  • Claire Escoffier

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  • Claire Escoffier
    Département de sociologie
    Université de Toulouse Le Mirail
    5 allées Antonio Machado
    31058 Toulouse cedex
    France

L’excellent article de Marie-Claire Belleau traite des inégalités engendrées par la mondialisation des pratiques des « promises par correspondance » (mail order brides). Dans cette étude, l’auteure centre sa recherche sur l’Amérique du Nord en analysant le discours des catalogues et des agences qui fleurissent sur Internet et qui, sous couvert de promesses de « mariages interculturels », légalisent en toute impunité la traite des êtres humains. L’article dénonce avec vigueur les inégalités dont sont victimes les « promises » issues de pays en crise économique, la politique d’immigration restrictive des pays riches, la marchandisation des femmes, les pratiques quasi policières employées par les maris-consommateurs pour s’assurer de la bonne santé physique et morale de leur promise et les stéréotypes ethniques déployés par les agences renforçant l’image de femmes dépendantes, soumises et fragiles. L’article démontre les dépendances et chantages de toutes sortes à l’arrivée dans le pays d’accueil et les rapports de subordination psychologique et physique dont sont victimes ces jeunes femmes. Si cette pratique de promises par correspondance a été lancée dans le but moraliste de faire perdurer l’image de la famille traditionnelle, elle a été néanmoins rapidement maîtrisée par des proxénètes qui en font une activité très lucrative. Si cette étude apporte un regard nouveau sur ces nouvelles filières de l’immigration clandestine et les inégalités dont souffrent ces « promises », on peut cependant regretter l’absence d’une étude complémentaire de terrain laissant la parole aux promises et aux épouses, étude qui aurait peut-être permis de faire apparaître une vision plus nuancée des inégalités dans les rapports sociaux de sexe. La contribution de Dominique Damant, Judith Paquet et Jo Bélanger, chercheuses engagées dans le Centre de recherche sur la violence familiale et la violence faite aux femmes, revoit le concept ambigu et souvent galvaudé de l’empowerment dans le but de mieux appréhender les violences faites aux femmes dans le cadre familial ou conjugal. Ce concept utilisé ad nauseam par les services psychosociaux et les agences de développement a été longtemps conçu soit comme une version réorganisée de l’autogestion soit comme argument pour cristalliser les revendications visant à réduire l’oppression des démunis par les nantis. Aujourd’hui, la notion d’empowerment est entendue de manière quasi consensuelle par la communauté concernée comme celle d’un affranchissement individuel et collectif et qui s’applique à la majorité des secteurs d’intérêt associés aux sciences humaines. Les auteures décrivent les trois paradigmes qui influent sur la définition de l’empowerment : le paradigme technocratique inspiré du courant individualiste méthodologique, le paradigme écologique qui met l’accent sur la transformation du contexte après la compréhension du problème et le paradigme structurel qui met l’accent sur l’inégalité des forces sociales et des rapports sociaux. Les auteures défendent la perspective structurelle de l’empowerment et considèrent que le manque de pouvoir des femmes est causé par des arrangements sociaux inéquitables plutôt que par un déficit personnel. À partir de l’analyse du discours de femmes victimes de ce type de violences, les auteures proposent un schéma multidimensionnel du processus basé sur les sentiments, les aspects cognitifs et les comportements. Arlette Gautier s’intéresse aux législations et régulations qui ont été édictées par les pouvoirs coloniaux en place en Afrique sub-saharienne en fonction de leurs intérêts politico-économiques. Elle rappelle que le droit coutumier a été « inventé » par les législateurs coloniaux avec la collaboration de notables masculins âgés et a de ce fait contribué à introduire une certaine rigidité dans les lois coutumières là où il y avait souplesse. L’appropriation par le pouvoir masculin des capacités reproductives des femmes en Afrique sub-saharienne a été générale mais la comparaison entre pays francophones …