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Ce collectif fait suite à un premier ouvrage publié en 1997 (Gauthier 1997) et présente les récents travaux du Groupe de recherche sur la migration des jeunes (GRMJ) dirigé par Madeleine Gauthier. Les contributions de ce dernier ouvrage se basent en bonne partie sur plus d’une centaine d’entrevues semi-dirigées et sur un vaste sondage téléphonique effectué auprès de plus de 5 000 jeunes québécois des deux sexes âgés de 20 à 34 ans. Les huit contributions permettent d’explorer deux thématiques : les rapports à l’espace et au temps qu’implique la migration des jeunes. L’objectif poursuivi est de comprendre les rapports qu’entretiennent les jeunes au temps et à l’espace le long de leurs parcours migratoires. Les questions qui ont guidé l’ouvrage sont les suivantes : « Comment les jeunes construisent-ils et vivent-ils ces rapports au temps et à l’espace? Comment ces rapports portés par les jeunes s’imbriquent-ils ou concourent-ils aux transformations propres à la société actuelle? » (p. 1-2). Les contributions abordent des thèmes très variés : migrations interrégionales, l’attrait pour la grande ville, l’identité, l’intégration, la mobilité géographique et l’insertion professionnelle, les flux migratoires vers les régions moins densément peuplées, le passage à la vie adulte, etc.

Bien qu’il soit difficile de démêler les dimensions spatiale et temporelle dans l’étude de la migration des jeunes, l’interprétation des données recueillies par le GRMJ montre que le rapport à l’espace, dans une société qui permet et qui valorise le développement de l’individualité ainsi qu’une plus grande mobilité réelle et virtuelle (que l’on pourrait aussi appeler « virturéelle », le virtuel n’étant jamais isolé du réel), semble être l’élément important de la structuration de la jeunesse actuelle affectant les rapports aux territoires et les formes de passage à la vie adulte.

À propos des rapports aux territoires (territoires de migration [de départ, d’arrivée, de transition], territoires régionaux, territoires de la quotidienneté [logement, lieux de travail, d’études et de loisirs], territoires de la virtualité), les contributions montrent l’impact de la migration des jeunes sur la structuration de l’espace : par leur présence ou leur absence, les jeunes migrants contribuent à modifier la morphologie des territoires. Les territoires sont alors considérés comme des structures qui non seulement créent des possibilités et des contraintes pour les migrants, mais qui sont aussi modifiés par eux. L’analyse des rapports aux territoires se révèle complexe parce que les liens entre les territoires s’entremêlent et parce qu’ils ne sont pas étanches les uns par rapport aux autres. La complexité relève également des déplacements qu’induit le processus migratoire et de la période de la vie où s’effectue la migration (dans le cas des jeunes, à un âge de transitions importantes) qui influencera la construction progressive de leur vie d’adulte.

L’étude de la migration comme partie prenante du passage à la vie adulte montre des différences entre les migrants et les non-migrants qui concernent particulièrement le lieu d’origine. Par exemple, les jeunes montréalais migrent moins et quittent plus tard le domicile des parents. Les raisons pour migrer sont différentes pour les jeunes métropolitains que pour les jeunes originaires de régions moins densément peuplées. Les premiers migrent pour des questions d’affranchissement et d’insertion résidentielle, alors que les deuxièmes le font dans une logique d’insertion professionnelle qui commence avec la poursuite des études. Les réalités sont donc différentes en fonction de la région d’où proviennent les jeunes. Par exemple, ceux qui arrivent dans les grandes villes doivent se positionner par rapport à la diversité ethnoculturelle, à la fragmentation économique et sociale, à des visions du monde divergentes, etc. L’effet de la migration sur le passage à la vie adulte peut aussi se vérifier par une entrée précoce dans un univers de rapport sociaux, de responsabilités et de choix, etc. Ces expériences sont parfois bénéfiques, parfois inquiétantes, mais elles ont inévitablement un effet sur le passage à la vie adulte et sur les choix qui guident la vie des jeunes.

En plus des éléments présentés ici, de nombreux thèmes sont abordés dans cet ouvrage qui en font un incontournable pour toute personne s’intéressant à la jeunesse québécoise.