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Michael A. Elliott, The Culture Concept : Writing and Difference in the Age of Realism. Minneapolis, University of Minnesota Press, 2002, 239 p., bibliogr., index.Marc Manganaro, Culture, 1922 : The Emergence of a Concept. Princeton, Princeton University Press, 2002, 231 p., bibliogr., index.[Notice]

  • Kiven Strohm

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  • Kiven Strohm
    Département d’anthropologie
    Université de Montréal
    C.P. 2168, succursale Centre-Ville
    Montréal (Québec) H3C 3J7
    Canada

Pendant près de vingt ans, le concept de culture a été pour plusieurs une source considérable d’irritation. La culture demeure pourtant un concept indispensable pour la majorité des anthropologues ; malgré sa complexité et ses difficultés conceptuelles, plusieurs continuent à croire en son irremplaçable pouvoir explicatif. Historiquement, elle fut importante, en commençant par Boas, qui l’opposa à la notion de race, comme concept à la fois critique et émancipateur. Aujourd’hui, l’utilisation du terme n’est plus réservée aux anthropologues et autres concitoyens des sciences humaines ; elle est employée quotidiennement et à l’échelle mondiale dans des propos liés à l’identité, aux droits indigènes, aux politiques nationales, etc. Mais lorsqu’elle est exploitée par des logiques essentialistes, elle peut facilement déformer et même opprimer son objet, devenant ce que Nicholas Dirks appelle une forme de colonialisme interne (1992). La culture est un concept totalisant dans un monde où les totalités cohérentes (si de telles choses sont possibles) n’existent plus. Marc Manganaro et Michael Elliott, les auteurs des livres faisant l’objet de cette recension, ne doutent jamais de l’importance ni de l’utilité du concept, mais s’interrogent sur la façon de l’utiliser sans toutefois succomber à ses tendances totalisantes. Selon ces auteurs, tous deux critiques littéraires, la solution au présent malaise dans la culture se trouve dans une histoire interdisciplinaire du concept. Cette histoire met en doute la ligne de pensée qui sépare la culture en deux traditions distinctes : l’une anthropologique, qui se réfère aux croyances, valeurs et modes de vie de peuples particuliers, et l’autre littéraire ou artistique, qui se réfère au raffinement, au goût et à l’intégrité. Ces deux conceptions se croisent parfois dans des textes ethnographiques ou littéraires, mais sont considérées comme ayant des objets différents et, de ce fait, des histoires différentes. Le message principal des textes de Manganaro et Elliott est qu’en ce qui concerne le concept de culture, l’anthropologie et les études littéraires ont beaucoup à s’apprendre : notamment le fait que les histoires de ces deux conceptions de la culture ne sont pas mutuellement exclusives. Manganaro et Elliott terminent ainsi avec une conception interdisciplinaire qui ne conçoit pas l’identité et la différence en termes fixes et opprimants. Les arguments riches et décisifs de Manganaro et Elliott touchent à une gamme de sujets indispensables tant aux anthropologues qu’aux critiques littéraires. Malgré le fait que les deux livres racontent l’émergence et le développement du concept moderne de culture, chacun se concentre sur une période historique distincte. Dans Culture, 1922, Marc Manganaro considère l’année 1922 comme un point tournant dans l’élaboration et l’usage de la culture en anthropologie et en littérature, mis en évidence par la publication de Argonauts of the Western Pacific de Bronislaw Malinowski, Culture, Genuine and Spurious d’Edward Sapir, Ulysses de James Joyce et The Waste Land de T. S. Eliot. Dans The Culture Concept, Michael Elliott se concentre plutôt sur la fin du dix-neuvième siècle, alors que la culture devient liée au réalisme en littérature et à l’idée de la différence authentique. Mais ces textes ne se distinguent pas seulement par leurs périodes historiques ; le projet de chaque auteur est également distinct. Elliott s’intéresse à la façon dont les premiers écrivains afro-américains et nord-amérindiens, ainsi que les premiers ethnographes tels que Frank Hamilton Cushing et James Mooney utilisaient l’idée de culture pour expliquer la différence. Manganaro, quant à lui, s’intéresse aux conditions ayant poussé les principaux architectes du concept à définir la culture dans ses voyages entre l’anthropologie et la littérature. Ces textes ont cependant un point commun important : tous deux discutent du travail de Zora Neale Hurston. Chaque auteur termine son …

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