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John Clammer, Sylvie Poirier et Eric Schwimmer (dir.), Figured Worlds. Ontological Obstacles in Intercultural Relations. Toronto, University of Toronto Press, 2004, xii + 299 p. bibliogr., index.[Notice]

  • Jean-Guy Goulet

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  • Jean-Guy Goulet
    Faculté des sciences humaines
    Université Saint-Paul
    223, rue Main
    Ottawa (Ontario) K1S 1C4
    Canada

En épigraphe à la préface de cette excellente étude des conflits profondément enracinés entre autochtones et allochtones en Afrique, Amérique, Asie, Australie, Europe et Nouvelle Zélande on lit cette citation d’Umberto Eco : « World visions can conceive of everything, except alternative world visions » (Eco 1984 : s. p.). D’emblée nous sommes confrontés au thème central de Figured Worlds : comment transcender notre propre horizon épistémologique et accéder véritablement à des mondes autres, en l’occurrence ceux des autochtones à l’étude desquels l’anthropologie est vouée depuis sa naissance. Conçu en 1996 dans le contexte d’une conférence intitulée « Obstacles ontologiques aux relations interculturelles », tenue à l’Université Laval la même année, le présent volume porte comme titre Figured Worlds. Par cette expression empruntée à Holland et al. (1984), on entend « les cosmologies ou conceptions ontologiques qui constituent le fondement ultime de la culture, et la friction par laquelle, dans un monde pluraliste, le conflit est généré » (p. 3, ma traduction). Cet emprunt s’inscrit aussi dans le projet annoncé par Holland et al. d’instaurer l’anthropologie ontologique comme nouvelle sous-discipline en anthropologie. L’introduction rédigée par Clammer, Poirier et Schwimmer porte d’ailleurs comme titre « La pertinence des ontologies en anthropologie – réflexions sur un nouveau champ anthro-pologique ». Sept des neuf chapitres de ce 25e volume publié dans la série Anthropological Horizons des Presses de l’Université de Toronto sont des textes originaux. Deux étaient déjà parus, celui de Tim Ingold publié en l’an 2000 en anglais et celui de Sylvie Vincent en français en 2002. Le mérite de ces neuf études, qui reposent toutes sur de fines analyses ethnographiques d’une qualité exceptionnelle, est double. Elles rendent possibles des comparaisons fort intéressantes entre populations géographiquement éloignées dont les ontologies sont remarquablement proches. Ces études permettent aussi une compréhension en profondeur de conflits difficiles dans lesquels des populations minoritaires se trouvent plongées malgré elles. Chaque auteur met d’ailleurs en valeur l’originalité et la vigueur des stratégies empruntées par les autochtones afin de faire valoir leur ontologie, leur identité et leur volonté de sur-vivre. Le volume est divisé en quatre parties. Dans la première partie intitulée The Reconstruction of Figured Worlds, Ingold se met à l’école des Ojibwa et de Hallowell afin de penser un monde dans lequel les « personnes » échappent aux catégories philosophiques occidentales. Tirant profit de sa longue expérience en Australie, Poirier fait comprendre à quel point l’ontologie aborigène diffère des ontologies occidentales. Ce faisant, elle puise chez de Certeau la distinction entre « carte » et « itinéraire » afin d’analyser admirablement une peinture exécutée par un ancien de la section Tjupurrula. Clammer démontre comment l’animisme au Japon, loin de constituer le premier chaînon dans l’évolution des religions comme on l’a pensé en Occident, est une réalité sui generis qui entretient des relations de dépendance mutuelle avec le confucianisme et le bouddhisme. Dans la deuxième partie de l’ouvrage, Beyond Positional Identities, Parkin et Vincent analysent des situations conflictuelles à Zanzibar et au Québec. Les identités narratives des minorités autochtones en cause sont tellement inintelligibles à la majorité qu’elles n’ont pas de place dans la structure socio-interactionnelle des sociétés en question. Les historiographies des uns et des autres fondent alors des récits contradictoires qui font autorité dans chacun des groupes et par là établissent des identités politiques fortes en opposition les unes avec les autres. Dans la troisième partie, intitulée Non-negotiated Ontologies : Authoring Selves, nous sommes confrontés au sort de populations que les autorités coloniales blâment pour des problèmes de pauvreté et de santé dont les racines sont sociologiques et politiques. Il …

Parties annexes