PrésentationPenser la complexité dans la durée[Notice]

  • Michelle Daveluy

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  • Michelle Daveluy
    Department of Anthropology
    University of Alberta
    13-15 Tory Building
    Edmonton (Alberta) T6G 2H4
    Canada

On a beaucoup décrit la participation à une dynamique langagière, évidente dans la prise de parole, mais l’articulation de l’appartenance dans la pratique quotidienne des individus a été relativement peu étudiée (Daveluy 2005 : 13-21). Si la pertinence du contenu des interactions n’a jamais été remise en cause, très peu a été dit sur les mécanismes linguistiques qui sous-tendent le transfert d’information durant les activités courantes. Selon Hanks (1996 : 235), « […] practice relies on the ability to integrate language with nonlanguage under highly variable conditions ». Interpellés par la complexité des phénomènes langagiers qui les intéressent, les auteurs regroupés dans ce volume persistent, devant des paradoxes apparemment inexplicables, à porter attention aux stratégies déployées à court terme, selon les conditions ponctuelles d’interaction, aussi bien qu’à l’adaptabilité exigée par les circonstances sociales qui changent au cours d’une vie. Si les dynamiques interactionnelles sont captées individuellement, elles font sens collectivement. Il faut donc savoir profiter du contraste qui existe entre une approche légaliste du droit à la parole – les droits linguistiques, par exemple, ont généré beaucoup d’intérêt récemment – et l’ethnographie des lieux de la parole. Où est-il possible et permis d’utiliser quelles langues? Pourquoi le fait que les aînés commentent ouvertement le choix des langues des plus jeunes est-il significatif? Comment la norme est-elle mise en pratique en milieu familial? Quelles sont les circonstances préalables pour oser utiliser sa langue en public? Voilà le genre de questions que les pratiques langagières dans des dynamiques diverses peuvent éclairer. C’est l’actualisation de l’appartenance langagière, sociale et culturelle qui ressort en bout de ligne. On ne peut ignorer que l’arrimage de l’anthropologie du langage à l’anthropologie tout court est matière à débats. Selon Regna Darnell (dans Duranti 2003), la recherche d’autonomie envers la linguistique et l’anthropologie a longtemps préoccupé les anthropologues du langage. Avec le temps, une distance a bel et bien été établie avec la linguistique, mais on ne peut en dire autant en ce qui concerne l’anthropologie. Au contraire, ceux et celles qui s’intéressent aux affaires langagières dans une perspective anthropologique ont choisi d’y demeurer fermement associés. Parmi les concepts clés en anthropologie du langage, celui de la socialisation langagière (Schieffelin et Ochs 1986) illustre particulièrement bien cette distanciation par rapport à d’autres disciplines et le caractère distinct de l’anthropologie du langage. Ochs et Schieffelin (1984) ont commencé par démontrer les limites de l’acquisition du langage, propre à la linguistique et à la psychologie, pour expliquer les phénomènes langagiers des sociétés du Pacifique où elles travaillaient. Avec le recul, il s’avère toutefois indéniable que les études en socialisation langagière ont pu se développer en grande partie précisément parce qu’elles ont été menées d’un point de vue anthropologique (Kulick et Schieffelin 2004). En fait, les anthropologues du langage n’ont complètement coupé les ponts avec aucune discipline. Ainsi, dans ce numéro, l’histoire ou l’ethnohistoire (voir Bouchard, McElhinny), la sociologie et la psychologie (Schieffelin), les sciences politiques (Philips et McDougall) sont bien présentes. Le dialogue est d’ailleurs maintenu avec la linguistique sous toutes ses formes, dont la sociolinguistique (Daveluy) et la psycho-linguistique (Heller). Les anthropologues du langage ont donc réservé une approche particulière aux comportements langagiers des humains dans leur ensemble, ce qui se reflète sur les problématiques qu’ils traitent. D’ailleurs, la vitalité du domaine de recherche ne fait pas de doute si on en juge par le récent regain dans les publications notamment des rééditions comme Blount (1995), Bonvillain (2000), Burling (2000) et Hickerson (2000), par exemple, mais aussi plusieurs ouvrages nouveaux, dont les introductions de Duranti (1997), Foley (1997), Ottenheimer (2006) et des ouvrages collectifs comme Brenneis et Macauley …

Parties annexes