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Ayora-Diaz Steffan Igor, 2012, Foodscapes, Foodfields, and Identities in Yucatán. New York, Oxford, Berghahn Books, CEDLA Latin America Studies 99, 332 p., illustr., carte, bibliogr., index[Notice]

  • Marie-France Labrecque

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  • Marie-France Labrecque
    Département d’anthropologie, Université Laval, Québec (Québec), Canada

Avec les concepts de foodscape et de foodfield, inspirés plus ou moins librement d’Appadurai (1996), Steffan Igor Ayora-Diaz situe délibérément son propos dans l’espace ou, plus précisément, sur le territoire, celui du Yucatán, un État du Mexique. Dans ce livre, largement redevable à l’approche post-moderne, le foodscape se définit comme « une arène dans laquelle les valeurs relatives à la nourriture sont déployées de façon à affirmer les similitudes et les différences entre les traditions locales et étrangères » (p. 13). Il y a plusieurs foodscapes bien sûr, et dans ce livre, l’auteur s’intéresse principalement à celui qui correspond à la ville de Mérida, capitale de l’État, un foodscape urbain. Le concept de foodfield se décline quant à lui sur deux plans à la fois opposés, conflictuels et complémentaires : les champs culinaire et gastronomique. Foodscape et foodfield sont les deux concepts principaux qui ressortent avec force d’un appareillage théorique élégant et sophistiqué, campé dans une approche méthodologique qui en souligne les convergences mais aussi les contradictions et les paradoxes. Le Yucatán est l’un des 31 États qui forment avec le district fédéral la République du Mexique. Pour comprendre le propos de cet ouvrage, il est important de savoir que la construction de l’unité nationale au Mexique à partir du XIXe siècle, à la suite de l’Indépendance d’avec l’Espagne, a signifié la négation, pour ne pas dire l’oblitération, des spécificités régionales. Bien que sur les plans politique et territorial, l’hégémonie de la nation n’est pas remise en question, les tensions entre le pouvoir centralisateur et des forces plus ou moins centrifuges continuent de se manifester de diverses façons sur les plans social et culturel et de s’incarner, dans une large mesure, dans les identités régionales. Malgré les symboles insistant lourdement sur la nation et qui sont de plus en plus présents au Yucatán, les Yucatèques ont, selon Ayora-Diaz, la certitude que leur culture est différente de celle du reste du Mexique. Cette certitude régionale, ou plutôt cette conscience commune qui définit le peuple yucatèque, trouve une de ses assises dans la nourriture, bien que celle-ci n’échappe pas toujours au processus d’homogénéisation entraîné par la cuisine nationale mexicaine. Comment cette certitude a-t-elle au juste émergé ? C’est là le propos du premier des cinq chapitres que compte cet ouvrage. L’auteur y relate l’émergence de la nation et surtout les assauts que le centre du pays a menés sur l’ensemble des pratiques culturelles telles que la religion, la langue, l’histoire, les identités ethniques de même que, bien entendu, les traditions gastronomiques régionales. Il s’agit d’une véritable colonisation culturelle à laquelle les élites régionales, lorsque c’était politiquement pertinent pour elles, ont réagi ; elles ont ainsi contribué au façonnement de ce sentiment partagé de la différence qui s’incarnera dans plusieurs domaines y compris celui de la nourriture. Les choses vont toutefois changer dans le contexte de la globalisation. On verra progressivement la dissolution de la « communauté imaginée » de même que la déterritorialisation de la culture et de l’identité yucatèques. L’examen du foodscape urbain contemporain à Mérida constitue l’objet du deuxième chapitre. Ce foodscape s’est formé à l’interstice du local et du global. En même temps que les gens valorisent les produits et la nourriture locale qui contribuent à définir leur identité, ils accueillent les apports culinaires des migrants qui n’ont cessé d’arriver du reste du pays et même du monde, confortant ainsi une tendance au cosmopolitisme. Il s’agit là du contexte dans lequel la cuisine yucatèque a émergé « premièrement comme tradition culinaire et plus tard comme tradition gastronomique » (p. 113). Tel que son titre l’indique, le troisième …

Parties annexes