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Petite aventure littéraire, l’ouvrage regroupe les mémoires écrits par M.-H. Rigaud, chercheuse et étudiante travaillant au sein de l’équipe de recherche pluridisciplinaire IDES/EURIDES (Identités et Socialisation, Ethnologie, Histoire, Psychologie), pour l’obtention de sa maîtrise et de son DEA en ethnologie. Cette équipe, liée à l’IRSEA, étudie les formes d’expression nées de la confrontation d’identités culturelles et ethniques dans le but de saisir le changement social et culturel induit par l’interpénétration réciproque de systèmes sociaux et culturels.

Le titre de l’ouvrage – fruit de plusieurs années de côtoiement de la communauté lao de Montpellier – est identique à la thèse, toujours en chantier, de l’auteure, dont le but est de faire ressortir le point de vue des réfugiés lao en mettant au jour la logique de construction de la double transmission culturelle dans deux générations de Lao implantés dans le sol languedocien.

Il s’agit d’un essai sur l’acculturation – ici perçue comme un processus dynamique de transfert et d’acquisition – et sur l’intégration en France de la communauté lao de Montpellier et de sa région (qui comptait, en 2003, plus de 300 familles) autour de trois thèmes majeurs : la relation parents-enfants, la transmission culturelle et la recomposition identitaire.

L’ouvrage est divisé en trois chapitres ; le premier, consacré à une présentation brève du Laos, constitue le talon d’Achille du livre. L’auteure présente le Laos comme une contrée isolée, enclavée et mal connue, entourée de puissants pays, reprenant ainsi le concept d’État tampon de C. Taillard, qui, bien que pertinent, est tombé en désuétude au début des années 2000 avec le désenclavement du Laos, maintenant un État carrefour, traversé tous azimuts par une série de routes le reliant à ses voisins limitrophes. Le propos, fortement imprégné par la façon dont la diaspora lao perçoit le régime actuel, contribue à véhiculer une vision statique et dépassée du Laos qui tend à discréditer le régime, où Rigaud critique également la fiabilité des statistiques fournies par les instances officielles laotiennes.

Les faits relatés sont souvent inexacts. Par exemple, les descriptions physiques du milieu laotien sont erronées (l’auteure décrit le Mékong large de 10 km dans la plaine de Vientiane alors qu’il atteint sa plus grande largeur – jamais au-delà de 4 kilomètres – près de la frontière cambodgienne) ; elle parle de 68 ethnies officielles tandis que l’Assemblée Nationale en a reconnu 49 au recensement de l’an 2000. Elle affirme en outre que le lao est une langue thaïe, alors qu’il appartient à la famille des langues Tai – le terme « Thaï » désigne quant à lui la langue nationale de Thaïlande. Elle perpétue malhabilement un exonyme péjoratif – les Méos – pour catégoriser les Hmong, et trébuche littéralement dans sa tentative d’inventorier les cinq familles ethnolinguistiques de la péninsule indochinoise, sans indiquer que seulement quatre ont des représentants au Laos.

Rigaud ne maîtrise vraisemblablement pas le matériel de ce premier chapitre. Elle s’aventure inutilement en territoire laotien en échouant dans sa tentative fortuite de description de la mosaïque ethnique laotienne – elle s’interroge à savoir comment appréhender cette diversité, mais en fait, elle travaille avec un groupe seulement : les Lao. Sa description du Laos, sur les plans géographique, ethnique, culturel et politique laisse supposer qu’elle n’a jamais, avant la parution de son livre du moins, foulé le sol laotien.

Le deuxième chapitre, beaucoup mieux charpenté, traite du rôle actif des aînés dans la gestion de l’identité et la transmission culturelle. Rigaud affirme que le maintien d’un lien nécessaire débute par les mouvements associatifs, qui participent aux trois étapes essentielles à l’identité lao : le sentiment d’unité, la valorisation de soi et la reconnaissance de soi par autrui. Elle décrit ensuite la fête la plus importante de la communauté lao, le Nouvel An, et également la fête des fusées. Puis l’auteure termine en examinant l’idéalisation du pays d’origine et la sacralisation des rituels, dont la célébration revêt une dimension symbolique et contribue à entretenir la mémoire et la filiation identitaire.

Dans le troisième chapitre, Rigaud élabore sur la recomposition identitaire, en évoquant les aspects culturels modelés par la rencontre de deux cultures : française à l’école et lao à la maison. L’analyse du sens que les acteurs donnent eux-mêmes à leurs pratiques est un élément central de la démarche de l’auteure, qui utilise l’observation participante et les entrevues en plus de prendre part aux fêtes traditionnelles organisées par l’Association lao du Languedoc-Roussillon pour analyser la recomposition identitaire au quotidien des jeunes d’origine lao de Montpellier et de sa région.

On ne peut qu’espérer une refonte de l’ensemble de ces données et réflexions dans une thèse qui mettra en lumière la maturation de cette entreprise ethnologique.