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Pache Huber Véronique, Charles-Édouard de Suremain et Élise Guillermet (dir.), 2016, Production institutionnelle de l’enfance. Déclinaisons locales et pratiques d’acteurs. Liège, Presses universitaires de Liège, 196 p.[Notice]

  • Pierre Blais Lapointe

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  • Pierre Blais Lapointe
    Département d’anthropologie, Université de Montréal, Montréal (Québec)

Organisé par les anthropologues Véronique Pache Huber, Charles-Édouard de Suremain et Élise Guillermet, ce collectif réunit huit communications présentées à Liège, en 2011, lors du colloque international « Pour une anthropologie de l’enfance et des enfants ». Les textes recueillis dans cet ouvrage font état des résultats de différentes enquêtes de terrain menées en France, en Belgique, en Bolivie, au Mexique et au Brésil par des chercheurs en sciences sociales (anthropologie, sociologie, sciences de l’éducation, socio-démographie, psychologie), tous spécialisés dans le domaine de l’enfance. Les auteurs examinent comment la vie quotidienne des enfants est affectée par des politiques institutionnelles qui concernent leurs droits, protection et intérêts. Ce faisant, ils s’efforcent de déconstruire le processus par lequel ces politiques sont élaborées pour en montrer les propriétés culturelles et historiquement déterminées. Les auteurs interrogent plus précisément comment certaines institutions construisent l’enfance et les différentes figures de l’enfant (sidéen, orphelin, soldat, travailleur de la rue, etc.) sur lesquelles se fondent leurs interventions. Les contributions montrent que les caractéristiques mises de l’avant à travers ces représentations (vulnérabilité, dépendance, malléabilité, etc.) dépendent intrinsèquement de l’agenda des institutions et des objectifs des politiques publiques qui prennent ces enfants comme « groupe cible ». La volonté de prendre en compte le point de vue et la marge de manoeuvre dont disposent les enfants est fondamentale à cet ouvrage. Les auteurs considèrent les enfants comme des acteurs à part entière, dotés d’une capacité d’action (une agencéité), elle-même modelée par des rapports de pouvoir et de domination (p. 8). Ce faisant, ils cherchent à restituer leur point de vue et à confronter leurs perspectives aux visées des institutions qui les prennent pour sujet. Les trois premiers chapitres portent sur le placement et interrogent directement l’agencéité des enfants qui se retrouvent sous la tutelle des services de Protection de l’enfance. Le premier, rédigé par Émilie Potin, porte sur la marge de manoeuvre des enfants « placés » en France. Reprenant la même ligne d’idées, Marie-Thérèse Casman et Angèle César s’intéressent dans le troisième chapitre à l’ambiguïté de la notion d’« intérêt supérieur » de l’enfant et au rôle fondamental de cette ambiguïté dans la détermination des prérogatives de garde des parents. Ces deux contributions montrent que la représentation que se font les institutions juridiques et les services de Protection de l’enfance de l’intérêt des enfants recouvre rarement directement celle des principaux intéressés. Elles montrent aussi comment les enfants s’adaptent et parviennent à ajuster dans une certaine mesure les dispositions formelles de ces institutions pour qu’elles cadrent avec leurs propres finalités. Poussant davantage la question de l’agencéité chez l’enfant, le deuxième chapitre, rédigé par Pierrine Robin, interroge le processus de subjectivation auquel doivent recourir les enfants placés pour reconstruire leur identité familiale. Sarra Mougel montre pour sa part dans le quatrième chapitre comment la reconfiguration des acteurs et des savoirs entourant l’enfant hospitalisé a contribué à redéfinir l’enfance. L’hôpital, longtemps considéré comme l’antichambre de la mort, était surtout réservé aux pauvres, les nantis préférant faire soigner leurs enfants à leur domicile. Les enfants hospitalisés étaient isolés pour prévenir les risques de contagion et les protéger de leurs parents, considérés comme « inadéquats ». Coupés du reste du monde, ils devaient attendre la mort ou une improbable rémission. Ce n’est qu’à partir des années 1940 que l’hôpital se dote de moyens thérapeutiques efficaces et commence à traiter aussi les enfants des classes moyennes et bourgeoises. L’enfant malade en vient alors à être considéré comme un « être en relation » qui, durant son hospitalisation, doit maintenir un contact avec ses parents. La fréquentation de ceux-ci est jugée indispensable pour garantir une rémission. …