Essai bibliographiqueBibliographical EssayEnsayo bibliográfico

L'impossible vérité de l'histoire des pensionnatsTraumatismes, victimisation et réconciliation prématurée[Article sans titre]Commission de vérité et réconciliation, 2015, Rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, Volume 1. Pensionnats du Canada : L’histoire, partie 1, des origines à 1939, 1072 p.Commission de vérité et réconciliation, 2015, Volume 1. Pensionnats du Canada : L’histoire, partie 2, de 1939 à 2000, 896 p.Commission de vérité et réconciliation, 2016, Volume 2. Pensionnats du Canada : L’expérience inuite et nordique, 290 p.Commission de vérité et réconciliation, 2015, Volume 3. Pensionnats du Canada : L’expérience métisse, 96 p.Commission de vérité et réconciliation, 2015, Volume 4. Pensionnats du Canada : Enfants disparus et lieux de sépulture non marqués, 304 p.Commission de vérité et réconciliation, 2016, Volume 5. Pensionnats du Canada : Les séquelles, 464 p.Commission de vérité et réconciliation, 2016, Volume 6. Pensionnats du Canada : La réconciliation, 352 p.Goulet H., 2016, Histoire des pensionnats indiens catholiques du Québec. Le rôle déterminant des pères oblats. Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 222 p.Niezen R., 2013, Truth and Indignation. Canada’s Truth and Reconciliation Commission on Indian Residential Schools. Toronto, University of Toronto Press, 192 p.[Notice]

  • Frédéric Laugrand

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  • Frédéric Laugrand
    Département d’anthropologie, Pavillon Charles-De Koninck, Université Laval, Québec (Québec) G1V 0A6, Canada
    frederic.laugrand@ant.ulaval.ca

Après l’Afrique du Sud et le Rwanda, le Canada a mis en place une Commission de vérité et réconciliation (ci-après CRV) afin de répondre aux séquelles du colonialisme qui a fait de nombreuses victimes parmi les Premières Nations, les Métis et les Inuit. Sans doute faut-il rappeler que plus de 150 000 enfants ont été placés dans des écoles résidentielles en un peu moins de cent ans. Dans un dossier que la revue Recherches amérindiennes au Québec a consacré aux pensionnats, Mylène Jaccoud (2016 : 155) rappelle qu’en procédant ainsi, le Canada a choisi de construire « une réponse politique », espérant, d’une part, documenter dans les détails cette page sombre de l’histoire canadienne qui a produit de nombreuses injustices et des traumatismes intergénérationnels chez une multitude de victimes, directes ou indirectes et, d’autre part, amorcer un processus de guérison et de réconciliation. Contrairement à la CVR sud-africaine, ajoute la criminaliste, la CVR du Canada n’a pas mis la réparation et la réhabilitation des victimes au coeur de son mandat, se limitant à réaliser une enquête pour « faire oeuvre de vérité sur les faits ». Il est regrettable que le Canada se soit montré aussi timide par rapport à bien d’autres nations, s’enfermant dans l’idée de révéler « une vérité historique », car de ce point de vue, le travail effectué laisse à désirer. Le Rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada était attendu depuis longtemps et la somme d’informations qu’il contient est considérable. À des fins de clarté, je reprendrai ici les différents volumes pour les commenter. Le volume 1 de la vaste histoire des pensionnats rédigée par la CVR comprend deux parties. La première traite du contexte historique des pensionnats du Canada. La seconde présente le système des pensionnats au Canada de 1867 à 1939. Sont examinés successivement le rôle de l’idéologie coloniale, celui des églises et les tout premiers pensionnats avant la lettre, ceux qui ont été créés au Canada français par les récollets et les jésuites (1603-1763), et ceux qui datent d’avant la Confédération. De facture classique, cette partie revient sur plusieurs idéologies fondatrices comme la doctrine de la découverte, celle de la terranullius, et sur l’action dite civilisatrice des premiers colons. Le chapitre 2 présente les Églises et leur mission de conversion. Le lecteur découvre comment, en dépit de quelques frictions avec le gouvernement canadien, les églises presbytérienne, morave, méthodiste, anglicane et catholique furent toutes impliquées, l’école demeurant un des piliers des transformations religieuses, et en particulier de la conversion. L’institution religieuse a partout été en mesure de saper les autorités, d’interdire les pratiques et d’imposer un nouveau code moral au nom de la salvification. À ce niveau de généralité, ces affirmations paraissent justes, mais quand on examine la situation de plus près, ce chapitre paraît trivial, d’une banalité déconcertante. Mais qu’importe, on ne semble pas ici chercher à retracer une histoire complexe, truffée de zones floues, d’ambigüités, ni à savoir que dans de nombreuses régions du Canada, les peuples autochtones ont eux-mêmes joué un rôle actif dans ce vaste mouvement de conversion, prenant parfois l’initiative de l’évangélisation. Au contraire, c’est à une vaste entreprise d’édification d’un mythe à laquelle on assiste. Soit, mais comme celui de l’obscurité du Moyen Âge, de la Grande noirceur au Québec ou d’autres légendes noires, ces imageries manichéennes seront un jour réexaminées et déconstruites. Sur le terrain, en effet, les situations furent tellement plus complexes qu’une telle caricature est regrettable et nuisible à la réconciliation. Parions qu’il faudra plusieurs décennies pour que les Canadiens et les Autochtones assument davantage cette période de …

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