PrésentationDeviner, prévoir et faire advenir[Notice]

  • Frédéric B. Laugrand et
  • Lionel Simon

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  • Frédéric B. Laugrand
    Département d’anthropologie, Pavillon Charles-De Koninck, Université Laval, Québec (Québec) G1V 0A6, Canada
    Frederic.Laugrand@ant.ulaval.ca

  • Lionel Simon
    Laboratoire d’Anthropologie Prospective – LAAP, Institut d’Analyse du Changement dans l’Histoire et les Sociétés Contemporaines – IACCHOS, Collège Jacques Leclercq, Université Catholique de Louvain – UCL, Place Montesquieu 1, boîte L2.08.01, 1348 Louvain-la-Neuve, Belgique
    lionel.simon@uclouvain.be

Alors que l’Occident est de plus en plus confronté à la gestion des risques induits par nos comportements (Beck 2001), que la planète paraît entrée dans une « modernité insécurisée » caractérisée par l’effritement des repères du passé (Bréda et al. 2013) et qu’elle traverse une série de crises (institutionnelles, financières, sociales, sanitaires, climatiques) ou une mutation radicale (Latour 2015 : 16) semant le doute quant au bienfondé de notre gestion des ressources et quant à la fiabilité de nos indicateurs de bien-être (Jackson 2009), la question de l’anticipation sur l’avenir se trouve au coeur des préoccupations. Elle devient le maître-mot de notre rapport au monde (Appadurai 2012, 2013), un moteur de l’action des humains. Face aux notions de « dérèglements climatiques » ou « d’anthropocène », l’urgence d’une attitude précautionneuse et prospective intensifie le besoin de savoir ainsi que les démarches visant à établir des scénarios plausibles pour l’avenir. Mais ces inquiétudes ne font que prendre le relais des préoccupations précédentes ; elles ne sont ni localisées, ni inscrites dans la décennie passée. L’écrivain et « futurologue » Alvin Toffler a par exemple introduit la notion de « Choc du futur » (Toffler 1971). Il imaginait ce faisant les effets dévastateurs de l’avènement de l’ère de l’information dans toutes les activités humaines. Il voyait dans ces changements qui dépassent les individus une source de stress et de désorientation massive. Chaque époque, sans doute, a focalisé l’attention sur des inquiétudes incitant à problématiser les choix des individus ainsi que leurs répercussions sur le futur. Aux quatre coins du monde, les pratiques divinatoires ressurgissent ainsi de plus belle, sans jamais avoir véritablement cessé d’opérer. Les collectifs fondent leur espoir d’acquérir une relative maîtrise de leur destin sur la lecture attentive de signes divers. Depuis des temps immémoriaux en effet, les humains ont multiplié les techniques et les modalités d’action qui rendaient plausible une fine compréhension des évènements amenés à ponctuer la vie des individus et des groupes. Certains types de pratiques sont particulièrement bien distribués au sein de collectifs eux-mêmes dispersés dans l’espace. Au premier chef figure l’oniromancie, que les travaux américanistes illustrent abondamment, et qui fait jouer au rêve un rôle de premier plan dans l’acquisition d’un point de vue éclairé sur ce qui va, ou risque, d’advenir. Le recours fréquent aux animaux (ou aux plantes, comme dans l’achilléomancie chinoise par exemple) est une autre exemplification de tendances transversales. Le rôle d’intermédiaire – voire de passeur – qu’on leur fait souvent jouer est attesté par les utilisations multiples et diversifiées dont ils sont l’objet. Celles-ci vont de l’observation des comportements fauniques pour anticiper sur des évènements prochains (météorologiques notamment) à la pratique de sacrifices, en passant par une lecture attentive de certaines parties de leurs corps (généralement les abats ou les os). Ailleurs, et de façon plus hétérogène, ce sont des objets que l’on mobilise, en les détournant le plus souvent de leurs fonctions usuelles. Attachés à la fonction spécifique de rendre la vision possible, ils sont censés parler et révéler, à l’instar de certaines parties du corps du « devin » dont on suppose que les mouvements sont parfois liés à des occurrences futures. La grande variété des moyens utilisés contraste ainsi avec le projet poursuivi, lequel rassemble les collectifs par-delà leur dispersion sur un plan géographique, historique et culturel (Loewe et Blacker 1981). Il est tout à fait notable qu’en la matière, le butinage des techniques et l’opportunisme dans les voies empruntées pour pré-dire soient souvent la règle. Les démarches, dans maints contextes, semblent souvent n’être contraintes que par l’exercice de la problématisation et par une nécessité de …

Parties annexes