Présentation. Entre dormance et efflorescence en anthropologie : l’onthos du végétal en questionPresentation. Between Dormancy and Efflorescence in Anthropology: The Onthos of Plants in QuestionPresentación. Entre latencia y eflorescencia en antropología: el ontos de lo vegetal en cuestión[Notice]

  • Julie Laplante et
  • Florence Brunois-Pasina

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  • Julie Laplante
    École d’études sociologiques et anthropologiques, Faculté des sciences sociales, Université d’Ottawa, 120, rue Université, bureau 10020, Ottawa (Ontario) K1N 6N5, Canada
    jlaplan2@uottawa.ca

  • Florence Brunois-Pasina
    Laboratoire d’anthropologie sociale, 52, rue du Cardinal-Lemoine, 75005 Paris, France
    flobrunois@gmail.com

Portant actuellement son attention au-delà de l’humain, l’anthropologie multiplie ses possibilités de composer avec le réel, dont celui issu du végétal. Alors que la tradition anthropologique a documenté l’usage que l’humain fait des plantes, ce que les plantes font à l’humain a peu retenu l’attention, et chercher de nouvelles compositions bénéfiques potentielles avec le végétal à travers les recherches semble aussi lui avoir échappé. Il s’agit ici de s’intéresser à ces relations humano-végétales laissées pour compte, et elles passent par une attention accrue à la puissance d’agir de la plante dans ses enlacements, ses attachements, voire ses devenirs avec l’humain. C’est là que se situe l’apport spécifique de ce numéro veillant en quelque sorte à rétablir un équilibre dans l’étude des existants et de leurs interrelations avec les humains. Ainsi, comment les plantes augmentent-elles ou diminuent-elles les vies humaines, et inversement ? Comment une frénésie autour de la molécule pour guérir s’accompagne-t-elle aujourd’hui d’un engouement pour la plante entière dans son milieu ? Que dire de ces enchevêtrements et comment faire proliférer ces potentiels en lien avec la fragilisation des vies ? Voilà autant de questions auxquelles s’intéresse ce numéro, explorant la question de la plante en anthropologie et par-delà, le contexte pandémique semblant propice à une forme de ré-enchantement en provenance du végétal. Si l’héritage aristotélicien avait situé les plantes au bas d’une échelle hiérarchique des vies, Henri Bergson offre le moyen d’en apprécier les habiletés selon leurs tendances dans le mouvement général de la vie, « lequel crée, sur des lignes divergentes, des formes toujours nouvelles » (2009 [1941] : 102). Une plante, ayant appris à infléchir l’énergie de la radiation solaire, trouve « dans l’atmosphère, dans l’eau et dans la terre où elle est placée, les éléments minéraux qu’elle s’approprie directement. » (Ibid. : 110.) Le végétal a ainsi développé des capacités accentuées de communication, de synthèse de molécules essentielles, de couplage avec le vent… qui le dispensent de se mouvoir tout en étant vital en alimentant ceux qui se déplacent ; l’humain et l’animal ne se perpétuent pas longtemps sans lui, ses sucs, molécules, textures, formes, goûts, arômes, et il prolifère à son tour en connivence avec l’humain et l’animal. Alors que plusieurs continuent à s’agencer de manière fortuite avec le végétal, à la manière du vent, les plantes glissent souvent discrètement à l’arrière-plan ou sont plus violemment reléguées en bioressources à exploiter. Elles peuvent encore attirer subtilement, parfois triompher en nous de manières excessives (pensons ici aux assuétudes), apparaître et disparaître de nos quotidiens, assiettes, films, photos, performances, voire de nos écrits et imaginaires selon diverses vitesses et lenteurs, intensités et atténuations. Leur omniprésence aérienne, aromatique et sonore rend possiblement leur présence ou absence attentionnelle paradoxalement difficile à percevoir, notamment leur sensibilité ou puissance affective qui agit sur, dans et à travers nous. Une attention à cette coaction végétale offre une possibilité de penser avec ceux qui habitent l’air, l’eau ou le végétal — ce dernier étant ici compris comme atmosphérique à l’instar de Emanuele Coccia (2016), enlaçant mais excédant aussi ce qui enlace, en s’attachant ou en « prenant corps » (Luccioni, ce numéro), toujours sur le point de devenir quelque chose d’autre. Avant d’introduire les contributions de ce numéro, nous faisons un bref tour d’horizon des approches et méthodologies pouvant faire fi d’une compréhension du végétal en anthropologie de manière générale et nous y employons ensuite selon trois grands déploiements : en l’occurrence la dissolution de l’ethnobotanique, le tournant ontologique versus le tournant des plantes et le déplacement de l’arborescence au rhizome. De manière générale, le végétal peuple les écrits anthropologiques de …

Parties annexes