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Pouchelle Marie-Christine, 2019, Essais d’anthropologie hospitalière. Tome 3 : Voyage en pays de chirurgie. Paris, Vibert, coll. « Seli Arslan », 180 p.[Notice]

  • Simone Lavoie-Racine

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  • Simone Lavoie-Racine
    Département d’anthropologie, Université Laval, Québec (Québec), Canada

Dans Voyage en pays de chirurgie, Marie-Christine Pouchelle propose une réflexion sur l’ethnographie du bloc opératoire et, plus largement, sur l’ethnographie en milieu hospitalier. Rassemblant cinq essais initialement publiés dans différentes revues de 2005 à 2013, cet ouvrage fait suite aux deux tomes précédents de la série Essais d’anthropologie hospitalière rédigés par la même auteure, soit L’hôpital, corps et âme (2003) et L’hôpital ou le théâtre des opérations (2008). Dans ce troisième tome, Pouchelle reprend l’analyse de certains thèmes évoqués dans les livres précédents ; le chapitre sur le malaise infirmier au bloc opératoire est d’ailleurs adapté d’un chapitre du deuxième tome de la série. L’auteure s’intéresse particulièrement à la question des rapports de pouvoir en milieu hospitalier ainsi qu’aux tensions ethnographiques qui surviennent dans l’hôpital, un milieu qu’elle dépeint comme complexe à naviguer. Elle offre une réflexion sur les pratiques en milieu hospitalier, autant celles des professionnels que celles de l’ethnographe (p. 10). Elle propose d’abord un retour réflexif sur son expérience ethnographique en « pays de chirurgie », entamée dans les années 1990, afin de réfléchir aux conditions de production de son enquête. Ses interlocuteurs s’interrogent parfois sur sa présence et remettent en question la pertinence de l’observation du bloc opératoire — l’un des enjeux de l’ethnographie « chez soi ». En partant d’une méthode d’attention flottante, dans laquelle le terrain se vit tel qu’il se présente plutôt qu’il ne se planifie avec des guides et protocoles, Pouchelle parvient à faire émerger les points de tension du milieu hospitalier, et du bloc opératoire spécifiquement, en lien avec son insertion dans un milieu à la fois accueillant et heurtant en ce qui la concerne. Ainsi, le travail de l’auteure, étalé sur plusieurs décennies, permet de réfléchir sur l’implication ethnographique sur le long cours, sur ses effets sur l’anthropologue ainsi que sur la recherche menée. L’observation par Pouchelle des transformations sociales en milieu hospitalier au fil des années ainsi que des restructurations administratives et leurs effets sur les pratiques — un chapitre y est consacré — démontre la pertinence d’une analyse quasi longitudinale de son objet. Dans le cas de l’hôpital et du bloc opératoire, qui sont des lieux de prédilection d’observation du corps humain, du corps social et du corps de bâtiment (p. 102), les changements qui y ont lieu permettent en même temps d’appréhender les transformations sociales du système de santé français, celles touchant la place des patients ainsi que celles qui sont liées aux pratiques hospitalières. Par ailleurs, le travail historiographique de Pouchelle (1983) sur le corps et la chirurgie au Moyen Âge sert parfois de point de départ pour comprendre la place et le rôle des chirurgiens dans les hôpitaux, tout comme la constitution historique de leur position sociale. Le bloc opératoire et le département de chirurgie se révèlent donc être des microcosmes où se cristallisent des rapports de pouvoir — dont les rapports de genre —, qui sont mis en exergue par Pouchelle. L’anthropologue soulève, par différents angles d’approche, les processus éminemment genrés dans lesquels s’inscrivent les rapports entre chirurgiens et infirmières, qui sont au fondement du fonctionnement du bloc opératoire. Le pouvoir des premiers sur le travail des deuxièmes et l’impact des restructurations hospitalières sur ces relations sont clairs dans l’ouvrage. Cette approche enrichit les perspectives anthropologiques et de genre qui s’intéressent aux dimensions profondément sociales du travail, ici au bloc opératoire. L’ouvrage de Pouchelle offre donc un éclairage anthropologique sur le milieu de la chirurgie en France, qui demeure peu exploré dans la littérature et qui l’était encore moins dans les années 1990, au début des enquêtes de l’auteure. En entrant aussi …

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