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Delaplace Grégory, 2024, La voix des fantômes. Quand débordent les morts. Paris, Seuil, 272 p.

  • Clara Boutet

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  • Clara Boutet
    Institut d’ethnologie, Faculté des sciences sociales, Université de Strasbourg, Strasbourg, France

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Couverture de Restes inquiets, Volume 48, numéro 3, 2024, p. 11-242, Anthropologie et Sociétés

Qu’est-ce qui différencie les fantômes des ancêtres ? En quoi les fantômes ne sont-ils pas des morts comme les autres ? L’anthropologue Grégory Delaplace, directeur d’études à l’École pratique des hautes études à Paris, s’intéresse à ces morts particuliers à travers leur place « au sens littéral et géographique, bien sûr, mais aussi social, affectif, ou culturel » (p. 22). À partir d’une pluralité d’exemples ethnographiques issus des enquêtes de l’auteur (en Mongolie et dans les archives britanniques, notamment [Delaplace 2021]) aussi bien que de celles empruntées à d’autres anthropologues dans des contextes variés (en Colombie, au Vietnam, dans la Chine impériale ou encore la chrétienté médiévale), il est question des « placements » des morts tout au long du texte. Grégory Delaplace n’est pas le premier à explorer la vie sociale des morts et fait d’ailleurs honneur à la littérature sur le sujet. L’anthropologie de l’invisible qu’il propose décortique les relations instables avec ces êtres qui se dérobent à la qualification, génèrent parfois de l’inquiétude, et dont l’auteur constate la prolifération. Les résistances récurrentes qu’ils suscitent remettent en question leur ontologie et montrent que la vie sociale des morts n’appartient pas qu’aux vivants. Les représentations et les discours des vivants sur les morts en font un objet foisonnant, mais l’originalité de l’ouvrage repose sur le fait de donner à voir les morts comme véritables sujets et non plus seulement comme objets. La subjectivation implique des caractéristiques ontologiques propres et des possibilités d’action multiples. Il s’agit alors de saisir leurs émotions singulières, leur voix, leur place au-delà de celles dans laquelle les vivants les installent. La première partie de l’ouvrage (chapitres 1 et 2) présente les stratégies des vivants pour « éduquer » les morts, consistant à leur apprendre à tenir leur rôle et à se maintenir à leur place. Les rites funéraires sont les premiers outils de cette éducation, par des traitements variés (tels que les doubles obsèques ou les pratiques anthropophagiques) comme autant de façons de travailler la mémoire et surtout l’oubli. L’auteur soutient en effet l’idée que les dispositifs rituels autour du funéraire participent activement, certes à des formes de remémoration en installant certains morts comme des interlocuteurs d’un nouveau type, mais contribuent surtout au processus d’oubli des autres défunts. Ainsi, d’un point de vue anthropologique, les protocoles de démémoration des morts priment sur les processus de mémoration, les seconds participant des premiers. La suite de l’ouvrage (chapitres 3 et 4) relate les diverses voies par lesquelles les morts résistent, ou rompent ce « pacte funéraire » (p. 133), et subvertissent l’ordre attendu. Plusieurs entités parcourent l’ouvrage : morts, revenants, esprits, ancêtres, fantômes, etc. Ces derniers représentent spécifiquement les morts qui dévient de la place à laquelle les vivants tentent de les assigner, ceux qui « ne se laissent pas remémorer ou démémorer comme les vivants le souhaiteraient » (p. 33). C’est en ce sens donc qu’ils débordent de la place pensée pour eux. Ces « débordements », selon l’intitulé du troisième chapitre, apparaissent comme une modalité d’existence caractéristique de ces êtres « métapersonnels » (notons que l’auteur ne réinvestit pas le concept, proposé par Marshall Sahlins (2017), de « métapersonne » dont il est pourtant familier). Ils se manifestent par une tessiture de voix dissonante, une apparence inattendue ou une agentivité particulière. L’un des intermèdes de l’ouvrage met en avant l’étude de « photographies spirites », affaire montante et relativement courante aux débuts de la photographie, de quelques médiums photographes qui font circuler ces daguerréotypes autour des années 1870 (Charuty 1999). L’auteur dévoile sa sensibilité à travers la photographie d’une femme défunte, qu’on croirait vivante sans …

Parties annexes