Selon les auteures et auteurs, l’étude de ces terrains donne à voir plusieurs « mutations du religieux » dont « les causes profondes affect[ent] […] la plupart des sociétés humaines » (p. 25). En premier lieu, l’accès à Internet permet à des groupes minoritaires de faire communauté en ligne, à des groupes majoritaires de diffuser et de bonifier leur offre religieuse, tout en donnant accès à une diversité plus grande de traditions et de pratiques religieuses, y compris la possibilité de s’y convertir ou d’en adopter certains éléments. En deuxième lieu, la mobilité internationale (migration, déplacement, séjour) favorise elle aussi la découverte et la fréquentation d’un nombre diversifié de traditions et de pratiques religieuses, tout en augmentant l’intérêt pour certaines d’entre elles (pèlerinage). Dans les deux cas, les nouvelles technologies et la mobilité internationale favorisent l’individualisation et la subjectivation du religieux, en augmentant et en libéralisant l’offre religieuse, contribuant par le fait même à élargir « la sphère d’agentivité religieuse des individus » (p. 28). Chemin faisant, les processus d’individualisation et de subjectivation constituent la trame de fond de l’ouvrage, à la fois résultat et facteur de pluralisation religieuse, que les auteures et auteurs associent plus précisément au primat du bien-être personnel (au premier chef, la guérison), à la mobilité inter-religieuse (incluant la conversion), à la créativité rituelle (dont les nouvelles spiritualités et l’hybridité religieuse) et plus largement à une préférence accordée à l’auto-qualification de « spirituel » plutôt que de « religieux », ce dernier désignant la rigidité et la fixité de l’organisation religieuse (dogme, liturgie, hiérarchie). Dans ce « paysage religieux » mondialisé marqué par l’individualisation et la subjectivation, liées à une mobilité, une vitalité et une pluralité religieuses accrues, certaines expressions religieuses se font plus visibles que d’autres. Certes, en raison de leur nouveauté en sol québécois (immigration, conversion, hybridation), mais plus encore parce que certaines privilégient des formes plus extériorisées et ritualisées du religieux, notamment au sein de l’Islam. Cette visibilité religieuse est d’autant plus forte que la religion fait l’objet d’un « tabou » (p. 35) au Québec, en public comme en privé, notamment dans les familles, et en particulier chez les « baby-boomers », héritiers de l’imaginaire social de la Révolution tranquille et de la Grande Noirceur, qui fait de la religion, au prisme du catholicisme doctrinal et ostentatoire, une figure repoussoir. Les auteures et auteurs en tirent un grand constat sur, cette fois, les spécificités des mutations et du paysage religieux au Québec : Autrement dit, certaines mutations religieuses observables à l’échelle mondiale en raison des nouvelles technologies et de la mobilité internationale sont accentuées en contexte québécois du fait de la critique historique du religieux public et institué. Tous ces facteurs concourent à l’individualisation du religieux et à la visibilité parfois malaisante de ses formes plus expressives et liées à une religion établie, prescriptive tout en accroissant la pluralité religieuse en valorisant le libre-choix et en dévalorisant la transmission d’un héritage religieux (possiblement critère et condition du libre-choix). Cet ouvrage de synthèse pourrait aussi, à certains égards, être qualifié d’ouvrage introductif. Il est en effet très court (99 pages de texte), et le lecteur se trouve à plusieurs moments avide de plus de détails empiriques et de développements analytiques. Il pourrait également être qualifié d’ouvrage d’introduction à la question du pluralisme ethnoreligieux plutôt qu’au strict pluralisme religieux, tant la grille d’analyse demeure souvent celle de la « majorité sociale » et des « minorités sociales », au risque de perdre de vue leurs diversités internes (même si cette grille d’analyse est critiquée pour souligner avec pertinence la religiosité invisible de la « …
Meintel Deirdre (dir.), 2022, La pluralité religieuse au Québec. Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 112 p.
…plus d’informations
Jean-François Laniel
Département de sociologie, Université Laval, Québec (Québec), Canada
L’accès à cet article est réservé aux abonnés. Seuls les 600 premiers mots du texte seront affichés.
Options d’accès :
via un accès institutionnel. Si vous êtes membre de l’une des 1200 bibliothèques abonnées ou partenaires d’Érudit (bibliothèques universitaires et collégiales, bibliothèques publiques, centres de recherche, etc.), vous pouvez vous connecter au portail de ressources numériques de votre bibliothèque. Si votre institution n’est pas abonnée, vous pouvez lui faire part de votre intérêt pour Érudit et cette revue en cliquant sur le bouton “Options d’accès”.
via un accès individuel. Certaines revues proposent un abonnement individuel numérique. Connectez-vous si vous possédez déjà un abonnement, ou cliquez sur le bouton “Options d’accès” pour obtenir plus d’informations sur l’abonnement individuel.
Dans le cadre de l’engagement d’Érudit en faveur du libre accès, seuls les derniers numéros de cette revue sont sous restriction. L’ensemble des numéros antérieurs est consultable librement sur la plateforme.
Options d’accès