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Daniel Raunet, Monique Bégin. Entretiens, Montréal, Boréal, 2016, 290 p.[Notice]

  • Diane Lamoureux

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  • Diane Lamoureux
    Département de science politique, Université Laval

Cet ouvrage nous laisse entrevoir le parcours singulier d’une femme qui a marqué la vie politique au Canada et au Québec. Il nous fait découvrir non seulement la politicienne, mais celle qui fait son apprentissage politique et intellectuel dans le Québec de la Révolution tranquille et qui, après avoir quitté la vie politique, poursuivra une carrière d’universitaire. Cette histoire singulière est très liée à celle du Québec durant un peu plus de deux décennies, même si son champ d’action a plutôt été la scène politique fédérale. Et le fil conducteur en est un féminisme libéral, c’est-à-dire un féminisme qui prône l’individuation des femmes et l’égalité entre les sexes sans remettre en cause l’ensemble des cadres sociaux existants. Monique Bégin devient une personnalité publique au moment de la formation de la Commission royale d’enquête sur le statut de la femme au Canada, commission dont elle est la secrétaire générale. Auparavant, elle a participé à la fondation de la Fédération des femmes du Québec (FFQ). Son féminisme s’est formé au contact de certaines lectures, comme Le Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, mais aussi de femmes comme Thérèse Casgrain. Au fil de la conversation, elle parle de modèles de femmes aussi divers que Christine de Pisan, Catherine de Russie, Marie Curie, Thérèse d’Avila, Florence Nightingale, Louise Michel ou Rosa Luxemburg (p. 52). Son premier engagement féministe est cependant au sein de l’Association des femmes diplômées d’université, à laquelle elle adhère au moment où celle-ci rédige son mémoire à la commission Parent. Toute jeune encore, elle y prend conscience qu’elle est « une personne de projets » plutôt que de structures (p. 58), ce qui permet de comprendre certains aspects de sa carrière ultérieure. Concernant la FFQ, elle en souligne deux traits qui lui semblent particulièrement audacieux pour l’époque : réunir à la fois des individues et des organisations et se tenir loin des hiérarchies religieuses en se définissant comme laïque (p. 61). Sur les origines de la Commission royale, elle rappelle que celle-ci résulte de la demande de groupes de femmes du Canada hors Québec puisque, à cette époque, la FFQ était fort occupée par les réformes du Code civil qui avaient été mises en branle par le bill 16, piloté par Claire Kirkland Casgrain, la première femme élue à l’Assemblée législative du Québec. À la suite de la rencontre entre Laura Sabia, Thérèse Casgrain et Réjane Laberge-Colas, le Conseil d’administration de la FFQ a décidé de se joindre au mouvement pour demander une commission d’enquête. « J’étais la seule qui s’y opposait, car je trouvais qu’il y avait tellement eu d’études sur les femmes depuis tellement longtemps qu’il fallait passer à l’action ! J’étais jeune et impatiente » (p. 63). Elle souligne également que le féminisme était dans l’air du temps, au moins pour les femmes. Les personnes qui se sont déjà intéressées à l’histoire de cette commission n’apprendront rien de neuf de ces entretiens. J’en retiens seulement un aspect de la méthode de travail de Monique Bégin : préparer un dossier des textes féministes pour l’ensemble des commissaires et séances de travail à l’interne (entre les commissaires et le personnel) sur la base de ces lectures communes « en vue d’acquérir une base commune de concepts féministes et de grands objectifs » (p. 72). C’est sur la base de son travail à la commission que Monique Bégin est approchée pour se porter candidate libérale lors des élections fédérales de 1972. C’était une époque où il n’y avait qu’une seule femme à la Chambre des communes et pourtant, ce n’est qu’après avoir vu ses conditions acceptées qu’elle décide d’y aller. « …