Dossier : Les relations internationales des États-Unis : la politique étrangère américaine dans tous ses étatsArticles

D’internationaliste modéré à isolationniste affirmé : Herbert Hoover et la politique étrangère américaine, 1945-1952[Notice]

  • Bernard Lemelin

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  • Bernard Lemelin
    Département des sciences historiques, Université Laval

Après son difficile et exténuant mandat à la Maison-Blanche (1929-1933), Herbert Hoover, né en 1874 en Iowa de parents de confession quaker et ingénieur de formation, est demeuré fort actif sur la scène publique américaine. Qu’il suffise de mentionner qu’au début de la Seconde Guerre mondiale, l’ex-chef de l’exécutif, connu antérieurement pour ses efforts humanitaires déployés sur le Vieux Continent, a dirigé des organismes visant à prêter main-forte aux populations civiles de Pologne et de Finlande. De plus, en 1947, à la demande du président Harry Truman, puis en 1953, cette fois à la requête de son successeur Dwight Eisenhower, Hoover a présidé des commissions visant à examiner les manières d’améliorer l’efficacité de la branche exécutive du gouvernement fédéral. En fait, l’ex-secrétaire au Commerce de Warren Harding et de Calvin Coolidge, jusqu’à son décès en octobre 1964 à l’âge vénérable de 90 ans, a mené une vie publique bien remplie. Fait à signaler, cet ardent détracteur du New Deal n’a pas été indifférent non plus aux multiples dossiers de politique étrangère du début de la guerre froide. Ainsi, durant l’ère Truman, Hoover, favorable initialement à l’ONU et au plan Marshall, s’est opposé énergiquement à l’envoi de troupes américaines en Europe sous l’égide de l’OTAN et n’a pas manqué de stigmatiser la conduite du président démocrate pendant le conflit coréen. Endossant en 1952 la controversée candidature du sénateur Robert Taft (Ohio) en vue de l’investiture du Parti républicain, Hoover, convaincu du caractère éminemment stratégique de l’Asie sur le plan de la sécurité nationale, a essuyé maintes critiques à cette époque pour ses diverses prises de position en politique étrangère, certains de ses opposants le qualifiant sans ambages d’isolationniste. Cet article, reposant entre autres sur un dépouillement des archives du 31e président des États-Unis effectué à sa Bibliothèque de West Branch (Iowa), vise à faire le point sur son attitude en matière de politique étrangère durant l’ère Truman. Plus spécifiquement, il entend répondre à des interrogations telles : comment s’exprime et s’explique l’internationalisme modéré de Hoover jusque vers 1949 ? À quels facteurs doit-on attribuer sa « conversion » à l’isolationnisme après coup ? De quelle manière la nation américaine réagit-elle alors à son discours anti-interventionniste ? Le natif de l’Iowa apparaît-il en ces années comme un membre influent de la communauté isolationniste américaine ? À notre avis, l’intérêt d’un tel article réside d’abord et avant tout dans son caractère pertinent : les spécialistes de l’isolationnisme américain en temps de guerre froide (Ted Galen Carpenter, Justus Doenecke, Selig Adler, Norman Graebner, etc.), à titre d’exemple, tendent tous à reconnaître la contribution non négligeable de Hoover dans le déclenchement, au début des années 1950, d’un important débat de politique étrangère (Great Debate) aux États-Unis traduisant la montée incoercible d’un sentiment néoisolationniste. L’historienne Joan Hoff, pour sa part, postule que son réquisitoire de politique étrangère à cette époque connaîtra des récurrences certaines « in the 1960s among the “New Left” and again in the 1990s among the “New Right”. » De surcroît, dans le contexte politique ayant cours actuellement aux États-Unis, marqué entre autres par la persistance d’une rhétorique « America First » affichée par le titulaire de la Maison-Blanche et les vives dénonciations proférées par ce dernier et d’autres caciques du Grand Old Party à l’endroit d’organisations internationales telle l’ONU, un tel article offre il va sans dire une résonance particulière. Celui-ci, incidemment, revêt en outre un caractère original dans la mesure où les publications en français sur le 31e président n’abondent pas : à vrai dire, hormis …

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