Hors-dossierRecensions

François-Olivier Dorais, Un historien dans la cité. Gaétan Gervais et l’Ontario français, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, coll. « Amérique française », 2017, 264 p.[Notice]

  • Patrick-Michel Noël

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  • Patrick-Michel Noël
    Université de Saint-Boniface

Produit des recherches que l’auteur a menées dans le cadre de sa maîtrise, cet ouvrage cherche à comprendre les mutations de l’Ontario français depuis la fin des années 1960 à travers celui que l’auteur considère comme un de ses témoins et agents privilégiés, soit l’historien Gaétan Gervais. Dorais soutient que son oeuvre et son engagement peuvent se comprendre via un prisme à travers lequel il leur donne une certaine unité, à savoir la refondation des représentations identitaires de l’Ontario français et la négociation de son « nouvel espace référentiel » (p. 7) à la suite de la brisure du Canada français consacrée par les États généraux de 1969. L’ouvrage se divise en quatre chapitres qui abordent différents moments thématiques de son « itinéraire biographique » (p. 13). Le premier chapitre est consacré à la jeunesse et à la formation de l’historien sudburois. Dorais se penche sur les enracinements familiaux, intellectuels, sociopolitiques et académiques de Gervais : son enfance à Sudbury, son cours classique au collège jésuite du Sacré-Coeur et ses études universitaires à la Laurentienne et à Ottawa. De ces (dés) enracinements, Dorais soutient que la pensée gervaisienne est marquée d’une « dualité fondamentale » (p. 56), celle d’un humanisme patriotique conjuguée à une tradition épistémologique axée sur les exigences propres de la discipline historique. Le deuxième chapitre porte sur le positionnement de Gervais face aux mutations identitaires, sociales et institutionnelles des années 1970. Chargé de cours à l’Université Laurentienne à compter de 1972, il prendra ses distances par rapport au projet identitaire contre-culturel franco- sudburois, lui reprochant de réduire l’affirmation collective aux arts, d’oblitérer le développement économique qui est « l’enjeu fondamental » (p. 68) de la survie de l’Ontario français et surtout de négliger l’importance du passé comme référent identitaire. C’est aussi au cours des années 1970 que Gervais joua un rôle de premier plan dans la création du drapeau franco-ontarien, initiative devant être interprétée en fonction d’un objectif : non pas celui de former une nouvelle identité comme le souhaitait la Coopérative des artistes du Nouvel-Ontario, mais « d’amener la communauté franco-ontarienne à se doter d’une représentation globale et cohérente d’elle-même qui puisse s’articuler dans une synthèse entre la “nouvelle” identité franco-ontarienne provincialisée et l’ancienne identité canadienne-française » (p. 79). Enfin, Gervais esquisse à la fin de cette période les fondements d’un projet historiographique visant à faire de l’Ontario français un objet à part entière, projet que Dorais met en relation avec le processus de la redéfinition de ses cadres de références identitaires. Le chapitre trois dégage à partir d’une analyse du « discours historien » gervaisien « trois positionnements » (p. 101) par rapport à l’Ontario français. Le positionnement épistémologique renvoie à sa conception même de l’histoire comme agent de la mémoire collective et vecteur d’une référence identitaire. Dans cette optique, l’Ontario français est une « entité autosuffisante » (p. 103) pour Gervais. En milieu minoritaire, la relation entre désir de vérité (histoire) et le désir d’appartenance (mémoire) serait d’autant plus serrée. L’alternance de ces deux désirs est l’une des « dimensions essentielles » (p. 112) de l’épistémologie gervaisienne. Son positionnement idéologique synthétise conservatisme et nationalisme lui permettant de penser l’Ontario français comme une communauté de culture à part entière ayant son espace référentiel et méritant des structures institutionnelles autonomes à partir desquelles ses membres cherchent volontairement et consciemment à en perpétuer l’existence. Dorais traite du positionnement historiographique de Gervais à partir de « perspectives et thématiques historiques » (p. 145) : la question nationale, la « rupture tranquille » de l’Ontario français du …