Hors-dossierChronique d’histoire militaire

Quelques aspects du licenciement des membres de la Division féminine de l’Aviation royale du Canada, 1942-1947[Notice]

  • Yves Tremblay

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  • Yves Tremblay
    Historien, ministère de la Défense nationale, Ottawa

Quelle organisation peut licencier des centaines de milliers de personnes sans risquer le chaos ? On imagine mal un gouvernement ou même une grande entreprise procéder à une opération du genre. Pourtant, deux fois au cours du XXe siècle les Forces armées procédèrent à l’opération, la première en 1919, la seconde en 1945, étant bien compris qu’en fait la démobilisation se déroule sur une période plus longue, disons 1916-1922 et 1944-1947. Dans le premier cas, il s’agissait de retourner chez eux quelque 550000 mobilisés, l’équivalant de plus ou moins 5 % de la population du pays, 1090000 dans le second, presque 10 % de la population. Ce sans compter le congédiement des ouvriers des industries de guerre qui ne bénéficièrent pas de la reconversion vers la production civile, et sans compter celui des fonctionnaires du gouvernement en 1919-1921 (cette dernière situation épargnée aux fonctionnaires de 1945 parce que l’expansion de l’État fédéral revêt cette fois un caractère permanent). On sait qu’en 1919 la démobilisation et la fin de la production de guerre se firent sur un fond de troubles sociaux (mutineries militaires en France et en Angleterre, grèves violentes et manifestations au pays, crises chez les vétérans qui ne se résorbent qu’à la fin des années 1920 après l’adoption de lois sur la santé et les pensions), alors que celle de la fin du second conflit mondial s’est passée sans grands problèmes. C’est qu’on a tiré certaines leçons de l’échec de 1919 à Ottawa, notamment la nécessité de planifier la démobilisation dès la mobilisation totale qui suit le vote du service militaire obligatoire en juin 1940. Ce sont des phénomènes connus, du moins en ce qui concerne la masse des soldats. Je voudrais m’intéresser ici à certains détails concernant un groupe réduit de démobilisés, démobilisées en fait. L’examen des mesures les concernant donne une bonne idée du chemin parcouru depuis 1919, et des transformations sociales en cours, transformations accélérées par la mobilisation exceptionnelle à laquelle a donné lieu la Seconde Guerre mondiale. Alors que la Première Guerre s’achevait, mais sans qu’on en soit vraiment conscient, le ministère de la Milice et de la Défense avait préparé la constitution d’un corps d’auxiliaires féminines sur le modèle de celui qui existait en Grande-Bretagne. Les lenteurs propres à l’administration militaire, peut-être les préjugés des hommes aux commandes (militaires et politiciens) et surtout la fin abrupte du conflit firent que ce Corps auxiliaire, approuvé en principe le 25 septembre 1918, ne vit pas le jour. En 1939, les préjugés probablement plus que les défauts de l’administration expliquent qu’en dehors des infirmières militaires, aucune Canadienne ne put revêtir un uniforme, en dépit du fait qu’à nouveau les Britanniques avaient choisi de recréer pareille organisation dès avant le début de la guerre. C’est seulement en 1941 que certains au ministère de la Défense du Canada changent d’avis et que la décision est prise d’offrir à des femmes volontaires l’opportunité de s’enrôler. Si l’on suit C.P. Stacey, c’est d’ailleurs du fait d’une initiative de la Royal Air Force (RAF) britannique que le cabinet de Mackenzie King s’est prononcé sur le principe d’enrôler du personnel auxiliaire féminin. En effet, le 25 avril, une requête de la RAF est présentée au cabinet des ministres : elle demande la permission d’employer du personnel féminin en uniforme – il s’agissait de WAAF britanniques devant fournir des services aux nombreux aviateurs britanniques en entraînement au Canada. Le 13 mai 1941, le cabinet approuve le principe. Mais il hésite à procéder. On lui force la …

Parties annexes