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Donald E. Abelson, Northern Lights : Exploring Canada’s Think Tank Landscape, Montréal et Kingston, McGill-Queens University Press, 2016[Notice]

  • Guillaume Lamy

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  • Guillaume Lamy
    Candidat au doctorat en science politique UQAM, Associé CRIDAQ, CREQC

Depuis un quart de siècle, Donald E. Abelson demeure le seul universitaire canadien qui a fait de l’étude des think tanks son principal sujet en carrière. Avec Northern Lights, Abelson brosse le grand portrait des think tanks canadiens dix ans après s’être adonné au même exercice avec les laboratoires d’idées situés dans la capitale américaine. Avec cette initiative, Abelson s’est donné comme projet de répondre aux principales questions qui reviennent constamment lorsqu’on aborde le sujet des think tanks : pourquoi sont-ils devenus si nombreux, dans quel contexte sont-ils apparus, peut-on mesurer leur influence, comment les appréhender théoriquement et surtout : comment les définir. On y trouvera aussi le profil des 25 think tanks les plus importants sur la scène canadienne, leur date de fondation, leurs budgets et certains points importants de leur histoire. À bien le considérer, Northern Lights pourrait figurer comme un passage obligé pour n’importe quel universitaire souhaitant aborder pour la première fois le complexe champ d’études des think tanks. À divers niveaux – analytique, conceptuel et théorique – ses points forts sont évidents. On y lit une exploration des principales approches (institutionnalisme historique, statocentrée, théorie des élites, pluralisme) ainsi qu’un exposé de leur potentiel et leurs limites. Le résumé de l’histoire et de l’évolution des think tanks en Amérique du Nord en quatre vagues (1900-1945, 1946-1970, 1971-1990 et 1990 à aujourd’hui) demeure une lecture obligée pour saisir le sens de l’histoire qui mène au contexte contemporain : croissance ininterrompue de l’importance des sciences sociales, développement constant du marché de la recherche auxiliaire, essor de la philanthropie et financement des initiatives non étatiques, renouvellement du militantisme par le biais de la recherche engagée. Surtout, le livre du professeur de science politique à l’Université de Waterloo mérite d’être lu dans le but d’éviter un écueil très fréquent qui guette les chercheurs qui se lancent pour la première fois sur ces objets non conventionnels que sont les think tanks pour la science et l’histoire politique. Au chapitre 7, refusant à la fois de produire des analyses hagiographiques des think tanks ou complotistes, Abelson insiste sur un fait : il ne faut pas exagérer l’influence des think tanks sur les politiques publiques ni la nier. En effet, bien des chercheurs continuent de se casser les dents en cherchant à démontrer « l’influence » de certaines organisations qu’il s’agisse de think tanks ou pas. Surtout, la mesure que font les think tanks eux-mêmes de leur « performance » – le nombre de mentions dans les médias et dans les commissions parlementaires, la quantité d’abonnés sur les réseaux numériques, la croissance de leurs activités – ne saurait prouver quoi que ce soit. Une présence médiatique n’est pas une démonstration d’influence. Plus encore, comme Abelson le souligne avec raison, la mesure de « l’influence » que font les think tanks de leurs activités doit être remise en question, car elle sert surtout de mise en valeur pour les bailleurs de fonds qui tiennent à ce que leurs dons soient productifs. C’est bien là un point qu’il faut retenir : les think tanks sont aussi au service d’eux-mêmes, de leur financement et de leur survie. La meilleure approche évoquée par Abelson, reprise de Kingdon, demeure de se concentrer sur différentes étapes des cycles politiques et de voir où certains think tanks interviennent et s’il y a évolution parallèle de l’agenda d’un laboratoire d’idée et du contenu de quelques politiques publiques. En ce sens, rien ne vaut mieux que des études de cas pour appréhender l’influence des organisations ; et même là, les risques sont …

Parties annexes