Éditorial

La Marche pour le climat : quelques racines historiques de la politisation des enjeux environnementaux au Québec[Notice]

  • Stéphane Savard

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  • Stéphane Savard
    Directeur du BHP

Le 27 septembre dernier, près de 500 000 personnes se sont rassemblées dans les rues de Montréal pour montrer leur appui à la cause environnementale et protester contre l’inaction des gouvernements en matière de lutte aux changements climatiques. D’autres marches ont été organisées au Québec. Près de 140 manifestations ont eu lieu au Canada. Les organisateurs et certains médias ont présenté le rassemblement montréalais comme « [l]a plus importante manifestation de l’histoire du Québec », dépassant de beaucoup les 200 000 personnes qui s’étaient réunies en mars 2012 lors du printemps érable. Invité à commenter l’événement, le porte-parole de Greenpeace Canada, Patrick Bonin, considère qu’« [o]n atteint un point de bascule dans la mobilisation. On n’a jamais vu ça. » Quant à la jeune femme qui symbolise depuis plusieurs mois le mouvement, Greta Thunberg, elle met l’accent sur l’importance de la mobilisation mondiale : « Partout dans le monde, aujourd’hui, des millions de personnes marchent, a-t-elle souligné. C’est incroyable d’être unis ainsi ; on se sent bien, non ? » La mobilisation mondiale observée depuis quelques mois est synonyme d’une importante prise de parole citoyenne largement visible dans de très nombreux médias du monde entier. Les raisons de cette médiatisation sont nombreuses. D’emblée, la prolifération des réseaux sociaux facilite les échanges et fait de la Terre un vaste village global. Ensuite, le contexte politique et scientifique de la fin des années 2010 exacerbe les tensions entre les citoyens qui veulent des actions concrètes pour lutter contre les changements climatiques et les élus occidentaux et mondiaux qui freinent ces ardeurs. Depuis la signature du protocole de Kyoto en 1997 qui devait inciter les États adhérents à réduire considérablement leurs émissions de gaz à effet de serre, de très nombreux gouvernements se sont montrés incapables de respecter les cibles négociées, repoussant sans cesse l’échéancier d’une décarbonisation de leur économie. À ce sujet, le Canada ne fait pas exception. Il fait partie des mauvais joueurs qui ont annoncé des objectifs sans être en mesure de les respecter, et ce, en raison notamment d’une exploitation intensive des sables bitumineux. À cela il faut ajouter les nombreuses études scientifiques inquiétantes qui annoncent un réchauffement de plus en plus important et qui réclament des actions fortes, concrètes, immédiates. Tous ces phénomènes entourant la prise de parole citoyenne et sa médiatisation – qui peut parfois ressembler à une instrumentalisation à des fins commerciales – favorisent la politisation du problème climatique dans les sociétés occidentales. Cette politisation du problème environnemental est évidente dans la campagne électorale fédérale de l’automne 2019, tandis que l’enjeu des changements climatiques a été plus ou moins écarté de la campagne électorale québécoise de l’automne 2018. En effet, les plateformes électorales du PLC, du NPD, du Parti Vert et du Bloc québécois font des questions environnementales et de la lutte aux changements climatiques des enjeux fondamentaux omniprésents dans les promesses annoncées. Le phénomène de politisation des enjeux environnementaux n’est pas nouveau. Au Québec, il a surtout émergé dans les années 1960 et 1970. La mobilisation des mouvements sociaux et groupes de toutes sortes qui prennent la parole pour proposer des valeurs et choix de société, souvent différents de ceux véhiculés par les élus et l’État, transforme la culture politique québécoise. Des enjeux de société auparavant débattus en coulisse font désormais l’objet de débats publics et de contestations citoyennes régulières. C’est notamment le cas des enjeux entourant la langue française, l’immigration, le statut constitutionnel du Québec, les droits autochtones, les droits sociaux comme le droit à l’éducation, les libertés civiles et la protection de l’environnement et des écosystèmes. Comme l’a montré le sociologue Jean-Guy Vaillancourt, …

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