Dossier : Vice, déviance et criminialitéPrésentation

Vice, déviance et criminalité[Notice]

  • Amélie Grenier,
  • Caroline Robert,
  • Martin Petitclerc et
  • Donald Fyson

…plus d’informations

  • Amélie Grenier
    Université Laval

  • Caroline Robert
    Université du Québec à Montréal

  • Martin Petitclerc
    Université du Québec à Montréal

  • Donald Fyson
    Université Laval

Les articles de ce dossier sont issus du colloque Vices et criminalité organisé par le Centre d’histoire des régulations sociales (CHRS). Cette rencontre a été l’occasion de présenter des recherches en cours dans le champ de l’histoire de la déviance. Le terme « vice » s’est imposé pour des raisons historiques : les mouvements de réforme l’ont traditionnellement utilisé pour désigner ce qu’ils considéraient comme des habitudes comportementales déviantes, ce qui leur a permis de justifier de multiples mesures de régulation morale des conduites. Le vice n’est donc pas un terme neutre. Il est en fait le produit d’un discours particulier de la déviance qui insiste sur l’incapacité morale des personnes à « se contrôler » et à se conformer à certaines normes sociales considérées comme fondamentalement bonnes. Ainsi, ce discours n’aborde pas la déviance comme le symptôme d’une maladie physiologique ou psychologique, ni comme la manifestation de la résistance à des normes sociales qui pourraient être oppressives, mais bien comme le produit d’une morale défaillante et d’une incapacité de s’autogouverner. Formulé en ces termes, le discours sur le vice a justifié de nombreuses interventions dans le social, allant des campagnes de moralité publique à l’internement des déviants, en passant par la criminalisation de comportements considérés comme dangereux pour l’ordre public. L’exemple récent de la décriminalisation de la consommation de la marijuana met en relief trois éléments qui sont instructifs pour l’histoire du vice et de la criminalité. Il nous rappelle, d’abord, que ce qui est considéré comme un vice à une époque peut ne pas l’être à une autre. En effet, la définition du vice est tributaire de contextes historiques précis, ne serait-ce que parce qu’elle est révélatrice des angoisses sociales et des rapports de pouvoir qui traversent une société, que ceux-ci relèvent du genre, de la classe, de l’ethnicité ou d’autres formes d’appartenance sociale. Cet exemple illustre également le fait que les comportements associés au vice peuvent être la source de multiples formes d’enrichissements privés ou publics, légaux ou criminels. Ainsi, une fois que l’usage récréatif de la marijuana a cessé d’être présenté comme un vice, un nouveau discours sur l’intégration de cette pratique de consommation dans le système économique légal, avec ses promesses d’enrichissement privé et public, a pu émerger. La décriminalisation de la marijuana ouvre enfin une grande fenêtre sur les multiples combats quotidiens pour la définition de ce qui est légitime ou non dans une société. Elle s’est avérée être la solution politique à un large mouvement de désobéissance civile qu’une criminalisation – de plus en plus inefficace – ne réussissait plus à endiguer. En ce sens, l’étude du vice relève bien de l’histoire politique. Comme nous le verrons dans ce dossier, la régulation morale des conduites a été un ressort essentiel de la formation de l’État depuis la mise en place du libéralisme. Cet aspect est abordé par Mathieu Perron dans un article qui explore la mise en place d’un système de régulation fiscale du commerce des alcools au Bas-Canada. Perron soutient que les enjeux fiscaux de l’État moderne l’emportent sur les considérations morales à la fin du XVIIIe siècle. C’est à la fin des années 1830 que l’on assiste à un renversement de ces équilibres, dans le contexte du bouillonnement politique qui accompagne les rébellions de 1837-1838. Cet exemple montre combien le mode libéral de régulation, fondé sur le principe de la liberté individuelle, justifie de nouvelles formes de gouvernement des volontés à partir des années 1840. L’alcoolisme, en tant que maladie de la volonté, devient à partir de ce moment l’une des principales angoisses sociales au sein des sociétés …

Parties annexes