Hors-dossierChronique d’histoire militaire

Desmond Morton, 1937-2019[Notice]

  • Yves Tremblay

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  • Yves Tremblay
    Historien, ministère de la Défense, Ottawa

Desmond Morton, peut-être l’historien militaire canadien le plus respecté, est disparu en septembre 2019. Je l’ai un peu connu. Ma première rencontre avec lui remonte à 1997 ou 1998, mais ce premier contact fut gâché par la maladresse de l’historien militaire que je tentais de devenir devant un professionnel admirable. Je ne savais pas encore que l’homme était tout à l’opposé de l’intellectuel inaccessible. Le mot gentleman vient tout de suite à l’esprit pour qui a eu le privilège de le rencontrer ou d’assister à ses cours ou à ses conférences. J’ai souvent été témoin de ce trait de caractère alors qu’il s’adressait en français à un auditoire francophone sur un sujet séparant les deux solitudes comme le recrutement des Canadiens français. J’ajoute que ce n’était pas un Janus, car il disait la même chose en anglais aux anglophones, ce qui n’allait pas sans susciter des sourcillements. Il était un mélange d’affabilité, de réserve, de timidité selon certains, de passion pour son métier évidemment, d’engagement intellectuel aussi. Il laisse une oeuvre abondante, une quarantaine de livres, autant d’articles, dont quelques-uns très importants, d’innombrables conférences et interviews où certaines de ces qualités – affabilité, passion, engagement – se manifestaient avec un charme tranquille, qui la plupart du temps arrachait la conviction. On est étourdi lorsqu’on lit le compte rendu qu’il a donné de sa carrière intellectuelle dans la Canadian Historical Review en 2011. Ce qui n’empêche pas que ses propositions de communication au congrès annuel de la Société historique du Canada furent refusées jusqu’à 1980, année où il devint président de l’honorable société ! Né en 1937, Desmond Morton est tombé, plus qu’Obélix, dans la potion magique. Fils, petit-fils et arrière-petit-fils de généraux canadiens, lié familialement à d’autres officiers de haut rang, éduqués dans les meilleures écoles, arrivant sur le marché du travail à une époque où tout souriait aux diplômés, il aurait pu naviguer dans les eaux tranquilles de l’existence s’il n’avait eu une éthique du travail remarquable. En dépit ou peut-être à cause des privilèges de naissance et d’éducation, Morton s’est affiché toute sa vie (hormis un épisode de jeunesse qu’il « confesse » avec humour dans ses souvenirs) un partisan déterminé, un travailleur électoral, un cadre dévoué et un publiciste constant du CCF/NPD. Avec dans la parentèle plusieurs officiers de haut rang, tôt engagé dans la réserve, il est naturellement devenu élève officier au nouveau Collège militaire de Saint-Jean (troisième promotion) pendant trois ans. C’était un choix inspiré par un oncle officier, qui voulait en faire un officier bilingue, mais cela correspond également à un trait de personnalité : respecter la tradition, ce n’est pas être soumis, car c’est tout à fait compatible avec une bonne dose d’iconoclasme. Parce que Saint-Jean n’offrait pas les deux dernières années, il finit le programme au Royal Military College de Kingston. Là enseignaient d’éminents historiens, parmi lesquels George G. F. Stanley, le premier grand biographe de Louis Riel, et Richard A. Preston. À moyen terme, cela détermine son choix de carrière. Il se retrouve ensuite à Oxford, boursier Rhodes. Il y joint évidemment le club du Labour Party. De retour au pays, il entreprend une carrière militaire sans éclat (administration militaire), y compris un séjour à la Section historique du ministère de la Défense, où il fait la connaissance de J. Mackay Hitsman et Reginald H. Roy, autres historiens militaires respectés, avant de prendre sa retraite de l’armée en 1964. Il devient alors un employé rémunéré du NPD ontarien. Il retourne en Angleterre en 1966, cette fois à la London School of Economics, d’abord en …

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