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Lucia Ferretti, L’Action nationale. Le long combat pour le Québec, Montréal, Del Busso éditeur, 2019, 314 p.[Notice]

  • Jean-Philippe Carlos

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  • Jean-Philippe Carlos
    Chercheur postdoctoral, Université York

En 2017, la revue L’Action nationale célébrait ses 100 ans d’existence. C’est là un fait extrêmement rare dans le monde des revues d’idées et d’essais. Afin de souligner cet événement, l’historienne et militante engagée Lucia Ferretti a produit un ouvrage relatant l’histoire de L’Action nationale et de la Ligue d’action nationale (l’organisme qui chapeaute la publication de la revue). Centrée sur la période 1967-2017, l’étude de Ferretti a le mérite de mettre en lumière le récit méconnu de l’évolution idéologique de L’Action nationale durant la seconde moitié du XXe siècle. Car si bon nombre d’historiens se sont intéressés à l’histoire de la revue et de ses réseaux entre les années 1920 et 1950 – pensons aux travaux de Pascale Ryan, Charles-Philippe Courtois et Mathieu Noël –, très peu de spécialistes ont cherché à savoir ce qui advenait de la revue pendant et après la Révolution tranquille – les principaux étant Xavier Gélinas et Ivan Carel. C’est là un symptôme de la « malédiction historiographique » qui continue de peser sur l’histoire contemporaine des mouvements associés – à tort ou à raison – au conservatisme. S’inscrivant dans le schème de l’histoire des idées, l’étude de Ferretti est centrée sur les prises de position de L’Action nationale dans les débats qui ont marqué le Québec et sur les grandes figures intellectuelles qui lui sont associées. La problématique développée par l’auteure est divisée en trois axes, soit la place de L’Action nationale dans la nébuleuse des revues d’idées québécoises, le contexte politique, social, économique et intellectuel qui influe sur les prises de position de ses directeurs et de ses auteurs et, enfin, les conditions matérielles d’existence du périodique. Selon Ferretti, la pérennité de L’Action nationale s’explique par le dévouement à la cause nationale de ses collaborateurs, la prédominance de la revue dans le panorama intellectuel québécois et, surtout, l’harmonisation de sa ligne éditoriale avec l’évolution idéologique de la société. En d’autres termes, la revue aurait toujours su être de son temps. Afin d’étayer sa thèse, l’auteure a eu recours à tous les numéros publiés de la revue depuis 1967 ainsi qu’au fonds d’archives de la Ligue d’action nationale. L’ouvrage est organisé de manière chronologique et comporte sept chapitres qui recouvrent des périodes caractéristiques liées à l’évolution idéologique de L’Action nationale. Le premier chapitre nous plonge dans le Québec des années 1960, au moment où les animateurs de L’Action nationale (François-Albert Angers, Jean Genest, Richard Arès, Rosaire Morin) jouent un rôle fondamental dans l’organisation des États généraux du Canada français. La revue, alors l’une des seules encore en circulation dans le Québec de l’époque, s’intéresse également à la réforme de l’éducation amorcée par le gouvernement Lesage et poursuivie par le gouvernement Johnson. On y discute également des politiques économiques interventionnistes qui ont engendré une certaine reprise des leviers économiques par la collectivité francophone, mais aussi de stratégies de défense de la langue française et de la lutte à la centralisation fédérale. Devenue indépendantiste au terme de la décennie 1960, L’Action nationale est redevenue, sous la direction de François-Albert Angers, un périodique pertinent dans le monde intellectuel francophone. Le deuxième chapitre porte quant à lui sur la décennie 1970, marquée par l’arrivée du père Jean Genest à la tête de la revue. Durant cette période, la revue affiche un intérêt marqué pour l’économie solidaire et le coopératisme, perçu alors comme le système socio-économique à instaurer dans un Québec indépendant. Évoluant dans un réseau militant où se retrouvent la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, le Mouvement Québec-français et le Parti québécois (PQ), L’Action nationale prend position de manière …