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Une interprétation de la Révolution tranquille conforme à l’air du temps[Notice]

  • Robert Comeau

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  • Robert Comeau
    Historien

Cet ouvrage se veut à la fois une synthèse et un essai interprétatif de cette tranche de près d’un quart de siècle de l’histoire contemporaine du Québec, soit de la mort de Duplessis le 7 septembre 1959, jusqu’au 16 février 1983 précisément, moment où le PQ oblige les enseignants en grève des collèges et des écoles du secteur public à rentrer au travail sous la menace de fortes sanctions. Pour nos deux auteurs, ce qui caractérise fondamentalement cette période qualifiée de Révolution tranquille, c’est le plein déploiement de l’État-providence québécois. La grève de février 1983 serait le moment précis où le consensus de l’État-providence se brise et l’ère néolibérale débute. C’est le gouvernement péquiste qui, par cette loi, a entraîné ce virage néolibéral, lequel sera poursuivi par le deuxième gouvernement de Robert Bourassa élu en 1985. Ce dernier proposera de réduire l’État et de procéder à une privatisation de certains services publics. Ce déploiement de l’État-providence québécois est conçu comme « la pierre angulaire de l’émancipation des Canadiens français, qui deviennent progressivement des Québécois francophones, et le moment où émerge un tout nouveau sentiment d’appartenance ». Cette politique keynésienne du gouvernement du Québec n’est toutefois pas apparue soudainement, car « certains groupes et acteurs sociopolitiques militant depuis les années 1940, travaillent à la mise en place de cet État-providence au Québec ». Ces « précurseurs » seront bien décrits, particulièrement les projets et réalisations du gouvernement Godbout et des progressistes qui militent depuis les années 1930 pour des réformes sociales. Les auteurs rappellent que « tout au long des années 1960, la grande majorité des responsables étatiques et des leaders d’opinion dans les médias québécois développent une pensée fédéraliste qui revendique plus de pouvoir pour le Québec » (p. 155). L’ouvrage met l’accent sur les mouvements sociaux qui annoncent « l’ère des identités » individuelles ou communautaires actuelles et montre comment l’État répond progressivement aux demandes de ces groupes. Pour nos deux auteurs, ce n’est pas la volonté de développer un État national québécois en opposition au mouvement centralisateur canadien qui constituait leur objectif. L’ensemble des politiques sociales québécoises verront ainsi le jour sans que soient mises en valeur les résistances de l’État central qui tient à construire son propre « nation building ». Nos auteurs prennent la peine de préciser « que cet État – l’État du Québec, que celui-ci soit autonome ou non dans le régime fédéral canadien, conçu et déployé comme un État-providence – devient un facteur de mobilisation collective » (p. 12). Ils mettent donc l’accent sur les politiques et les mesures sociales votées par les gouvernements qui se sont succédé : Jean Lesage, Daniel Johnson, Robert Bourassa et René Lévesque. Elles se déroulent en grand nombre sur un grand tapis rouge sans insistance sur les résistances. Il sera en effet peu question dans l’ouvrage des relations tendues entre Québec et Ottawa. Le débat fédéralisme / souverainisme n’étant plus à l’ordre du jour, nos auteurs s’intéresseront peu au rôle du gouvernement fédéral pour contrer les initiatives des divers gouvernements québécois pour élargir sa marge d’autonomie. La question du déséquilibre fiscal entre les ressources du fédéral et celles des provinces et les difficultés de l’État québécois de créer ses propres programmes, que ce soit en santé, en éducation, dans les affaires urbaines, en environnement comme en relations internationales, sont peu abordées dans cette Brève Histoire. Si la grande majorité des acteurs sociopolitiques adhèrent à la promotion d’un projet de société organisé autour de l’État comme garant du bien commun, c’est d’abord l’épanouissement individuel des citoyens qui passe par le renforcement …