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Lucie Desrochers, Sir Henri-Gustave Joly de Lotbinière. Un premier ministre improbable, Québec, Septentrion, 2021, 396 p.[Notice]

  • Léon Isabelle

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  • Léon Isabelle
    Candidat à la maîtrise en histoire, Université Laval

Né en 1829, Henri-Gustave Joly de Lotbinière est aujourd’hui un homme méconnu, et ce, même s’il a occupé les plus hautes fonctions auxquelles un politicien puisse aspirer. À son bref mandat de premier ministre (1878-1879) s’ajoute une grande carrière politique : Joly siège à l’Assemblée de la province du Canada de 1861 à 1867 ; à l’Assemblée législative du Québec, de 1867 à 1885 ; à la Chambre des Communes de 1867 à 1874, puis de 1896 à 1900. Toutefois, la toponymie de la ville de Québec ne lui réserve qu’une toute petite rue. Un manoir, un boisé et un village rappellent le nom de celui qui a également occupé le poste de lieutenant-gouverneur de la Colombie-Britannique de 1900 à 1906. Les livres d’histoire ne le mentionnent qu’au passage. Le sous-titre Un premier ministre improbable est bien choisi. L’auteure, Lucie Desrochers, diplômée en histoire et en science politique, démontre que Joly a su laisser une empreinte durable dans le paysage politique québécois malgré une personnalité inadaptée aux enjeux partisans. Au fil de cette biographie riche en informations, le lecteur découvrira un homme surprenant, autant par son tempérament que par ses passions ou par l’importance de la marque qu’il a laissée dans l’histoire. L’ouvrage de Desrochers repose sur une documentation étoffée comportant de nombreuses synthèses, monographies et biographies sur la période traitée ainsi que sur divers sujets connexes, tels les chemins de fer, les débuts de la Confédération ou encore le Parti rouge, ce qui garantit une maîtrise du contexte politico-économique dans lequel évolue Joly. Le corpus de sources est, quant à lui, très diversifié. L’auteure a recours, entre autres, au fonds d’archives de la famille Joly, mais aussi à ceux d’Honoré Mercier, de Félix-Gabriel Marchand et de Wilfrid Laurier, pour ne nommer que ceux-là. Certains fonds d’organismes comme ceux de l’Archidiocèse de Québec et du Quebec and Gosford Railway sont aussi mobilisés. Desrochers a également pris soin de dépouiller les journaux et les sources parlementaires, en plus d’avoir consulté plusieurs rapports émis par le gouvernement du Québec pendant la seconde moitié du XIXe siècle. Afin de permettre de documenter son enfance, est également incluse la correspondance de Joly ainsi que celle d’autres personnes, comme Louis-Joseph Papineau. À ce titre, la biographie ne se limite pas à la carrière politique de Joly, mais couvre l’ensemble de sa vie en 20 chapitres. Le livre est agrémenté de quelques documents iconographiques ainsi que d’un tableau fort utile répertoriant les noms, les années de naissance, de mariage et de mort des enfants de Joly et de sa femme, Margaretta Gowen. Le plan de l’ouvrage respecte généralement la chronologie bien que des retours en arrière soient parfois nécessaires au sein d’un chapitre. Avant de se lancer dans la carrière politique de Joly, Desrochers consacre plusieurs pages à sa vie familiale. Son enfance, son éducation, ses parents, ses passe-temps, ses intérêts et ce que les adultes pensent de ce jeune garçon sont traités dans les premières pages de l’ouvrage. L’auteure remonte même l’arbre généalogique de Joly afin d’expliquer ses origines : né en France, de foi protestante et issu d’une famille de seigneurs, Joly sera, on le comprend, un politicien atypique. Bien que l’ouvrage soit divisé en fonction des moments marquants de sa carrière politique, les péripéties familiales et personnelles n’en sont pas moins évoquées et, bien souvent, elles sont en lien direct avec la politique. En 1851, ses parents lui céderont la propriété de la seigneurie, ce qui, selon Desrochers, constitue surtout un geste politique, car Joly devient par le fait même éligible pour se …