Dossier : Le Québec et la France depuis 1960 : une relation d’exception

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  • Stéphane Paquin

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  • Stéphane Paquin
    Professeur titulaire, École nationale d’administration publique
    Directeur du Groupe d’études et de recherche sur l’international et le Québec

Le rapprochement France-Québec qui s’amorce avec la Révolution tranquille, après l’arrivée au pouvoir du Parti libéral de Jean Lesage le 22 juin 1960, propulse les relations internationales du gouvernement du Québec à un niveau inégalé. Il s’agit manifestement d’un changement de paradigme, d’une rupture profonde avec les pratiques du passé. Du premier mandat du gouvernement Lesage jusqu’au second mandat du gouvernement Lévesque, plusieurs instruments d’importance sont créés, instruments qui structurent les nouveaux rapports du Québec avec la France, la francophonie et le monde. Parmi ces instruments, on recense 1) l’ouverture de la Maison du Québec à Paris en octobre 1961 ; 2) la conclusion de la première « entente » avec l’État français en matière d’éducation en février 1965 ; 3) la formulation de la doctrine Gérin-Lajoie aussi en 1965, base juridique de l’action internationale du Québec ; 4) la mise sur pied d’un service du protocole en 1966, en prévision de l’Exposition universelle de 1967 où le gouvernement québécois accueille 44 chefs d’État ou leurs représentants, dont le président de Gaulle ; 5) la création du ministère des Affaires intergouvernementales en 1968, l’ancêtre du ministère des Relations internationales et de la Francophonie ; et 6) la participation du Québec à des conférences internationales de pays souverains de ministres de l’Éducation francophones dont les rapports permettent la création de l’Agence de coopération culturelle et technique en mars 1970, puis de l’Organisation internationale de la Francophonie au milieu des années 1980. L’addition de ces instruments permet au Québec d’obtenir une personnalité internationale inédite à l’époque, laquelle demeure largement unique dans le monde contemporain même si la pratique de la paradiplomatie s’est banalisée dans le monde. Au sujet de ces faits, on pourrait certainement rétorquer qu’il existe plusieurs précédents sur le plan historique de rapprochement entre la France et le Québec, et que ce qui se produit après 1960 n’est pas complètement inédit. Du côté français, les premières tentatives de rapprochement datent même du milieu du XIXe siècle. C’est en effet en 1855 que la France cherche à relancer ses relations avec son ancienne colonie de peuplement. Le gouvernement français dépêche alors à Québec un navire de guerre, La Capricieuse, dont le commandant avait reçu l’ordre de développer les échanges commerciaux avec le Canada-Uni. Quatre ans plus tard, en 1859, le premier Consulat général de France est mis sur pied dans la ville de Québec avant de déménager à Montréal en 1894. Du côté québécois, les élus tissent également des liens avec la France dès le XIXe siècle. En 1881, Joseph-Adolphe Chapleau, premier ministre du Québec, séjourne près de six mois en France, notamment pour y effectuer des emprunts dans le but de financer les travaux publics du gouvernement. La durée du séjour peut sembler extravagante, mais à la fin du XIXe siècle le Parlement du Québec ne siège que quelques semaines par année, normalement à partir du mois de janvier. Chapleau attire l’attention à Paris. Il est reçu à de nombreux événements et est même décoré par le gouvernement français. Il revient au Québec avec l’intention de développer les relations entre le Québec et la France. C’est dans ce contexte qu’est nommé le premier représentant du Québec en France, le sénateur Hector Fabre. Nommé en 1882, Fabre restera en poste jusqu’en 1910, ce qui est très long comparativement aux pratiques contemporaines. En 1883, le gouvernement fédéral nomme également Hector Fabre commissaire général du Canada à Paris. Afin de réaliser un nouvel emprunt à Paris, Honoré Mercier effectue deux séjours …

Parties annexes