Résumés
Résumé
Depuis leur apparition dans les années 1930, les comic books américains se présentent comme des œuvres collectives sur lesquelles travaillent à relais un nombre variable d’intervenants : le scénariste, le dessinateur, l’encreur, le coloriste, le lettreur et l’éditeur, principalement. Imposée par le rythme de publication (généralement mensuel) de ces imprimés fasciculaires, la création en équipe devient alors un gage de productivité. Ayant prouvé son efficacité, cette méthode de travail est aussi adoptée par la majorité des producteurs québécois qui se lancent dans l’édition de comic books à partir des années 1980. Or, dans ces cas, la collaboration dépasse parfois le partage du travail entre les créateurs à l’emploi d’une même maison d’édition. En effet, le péritexte des œuvres et la correspondance des éditeurs indiquent qu’un esprit de collégialité unit les producteurs rivaux, qui échangent idées et conseils au sujet de leurs séries respectives. Ce faisant, ils contribuent indirectement au contenu des comics publiés par leurs compétiteurs.
Cela dit, on peut s’interroger quant aux motifs donnant lieu à cette entraide. De l’amitié entre collègues à l’opportunisme commercial, quels sont les enjeux propres au champ des comics québécois que révèle cette apparente fraternité ? Quelles sont les conditions favorisant les échanges de services entre éditeurs, scénaristes et illustrateurs ? Bref, comment s’explique la collaboration entre producteurs concurrents évoluant au sein d’un même marché? Cet article répondra à ces questions afin de mieux éclairer la dimension sociale liée à la production de comic books sériels au Québec et au Canada. Il révèlera que la collaboration entre agents évoluant dans le champ des comics québécois (et parfois dans les champs canadien-anglais et américain) vise à consolider la place occupée par les éditeurs indépendants dans le milieu restreint qu’ils tentent d’investir. La fraternité qui les réunit est bienvenue et nécessaire dans la mesure où elle encourage des relations d’ordre transactionnel plutôt que conflictuel, transformant des concurrents potentiels en instances publicitaires ou légitimantes, voire en partenaires créatifs. Une alliance se crée, de telle sorte que tous tirent profit d’une collégialité faisant office de défense contre la domination du marché par les géants de l’édition de comic books.
Abstract
Since their first appearance in the 1930s, American comic books have been presented as collective works dependent on collaboration between a variable number of actors, namely writers, illustrators, inkers, colorists, letterers, and publishers. In the fast-moving world of serial comic book publishing (new works are generally released monthly), this teamwork-based approach is necessary for ensuring continuous productivity. This work method, having proven effective, was also adopted by the majority of Quebec comic book publishers from the early 1980s onward. However, in these cases, collaboration sometimes moves beyond the sharing of work between creators employed by the same publisher. In fact, correspondence between publishers and the peritexts of their published works reveal that a spirit of collegial solidarity unites rival producers, who exchange both ideas and advice about their respective series, and in doing so, contribute indirectly to the content of comic books published by their competitors.
Nevertheless, the reasons giving rise to this mutual aid between publishers may be worth questioning. From a sense of friendship between colleagues to pure commercial opportunism, what issues specific to the field of comic book publishing in Quebec does this apparent sense of fraternity reveal? What are the conditions that contribute to the exchange of services between publishers, scriptwriters, and illustrators? In short, how can this sense of solidarity between competing producers evolving within the same competitive market be explained? This article will answer these questions in an effort to shed more light on the social dimension of serial comic book production in Quebec and Canada. It will reveal that collaboration among actors evolving in the québécois field of comic book publishing (and sometimes also in the Anglo-Canadian and American spheres) serves to consolidate the position independent publishers occupy in the constrained market in which they are attempting to invest themselves. The sense of fraternity that unites them is welcome and necessary in that it fosters interpersonal relationships that are more transactional than conflictual in nature, which can transform potential competitors into advertising or legitimating entities, and perhaps even into creative partners. This dynamic creates an alliance in which all parties benefit from a collaborative approach, which acts as a collective defence against the threat of market domination by comic book publishing industry giants.
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