Conférence annuelle Claire L’Heureux-Dubé

Les influences croisées entre les juridictions nationales et les juridictions internationales[Notice]

  • Christine Chanet

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  • Christine Chanet
    Conseiller à la Cour de cassation – Chambre criminelle.

Le texte qui suit a été présenté lors de la Sixième Conférence annuelle Claire L’Heureux-Dubé qui s’est déroulée le 11 septembre 2009, à l’Université Laval.

Par « influences croisées » il faut comprendre les liens organiques, fonctionnels, intellectuels et jurisprudentiels qui unissent les juridictions nationales aux juridictions internationales. Celles-ci comprennent non seulement les cours et tribunaux institués par un traité ou une décision du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) mais aussi les organes créés par des conventions, chargés de contrôler leur application. Ainsi en est-il du Comité des droits de l’Homme des Nations Unies qui contrôle l’application du Pacte international sur les droits civils et politiques. Ce sujet peut paraître déséquilibré : en effet, force est de constater que l’influence se fait beaucoup plus souvent dans le sens des juridictions internationales vers les juridictions nationales que dans l’autre sens. En outre, on observe de manière croissante une influence réciproque des juridictions internationales. Ce sera notre plan et peut-être que, à l’issue de cet exercice, nous pourrons esquisser quelques conclusions qui nous donneront les clés de ces influences. Historiquement, les juridictions nationales ont à l’évidence précédé les juridictions internationales. Elles ont servi de modèle lorsque les juridictions internationales ont été instituées. Ainsi (ceci est une remarque, pas une analyse scientifique) : la Cour européenne des droits de l’Homme trouve son inspiration dans la common law, pour sa mise en oeuvre. Les juridictions pénales internationales ont adopté des schémas accusatoires, sauf pour le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) qui, au stade de la chambre préliminaire, a conjugué système accusatoire et « juge d’instruction » à la mode romano-germanique. Certaines juridictions internationales n’hésitent pas, pour conforter leurs interprétations du droit, à faire appel aux décisions des juridictions nationales. Ainsi, le TPIY n’a pas hésité dans l’affaire Tadić à se référer aux jurisprudences des cours étrangères, notamment allemande, britannique et hollandaise, pour établir la responsabilité des États sur des opérations militaires exercées à l’étranger et que ces États contrôlent. Il s’agissait de constater des crimes de guerre. De même, dans l’affaire Furundžija, le TPIY se réfère à la notion de complicité telle que conçue par différents États pour réprimer les actes de torture. Par ailleurs, la Cour internationale de justice dont le Statut prévoit expressément (art. 38) qu’elle doit régler les différends entre États en appliquant notamment les décisions judiciaires et la doctrine des juristes des différentes nations, s’acquitte de sa mission dans le droit fil de cette disposition de son statut institutionnel. On note à cet égard l’arrêt République démocratique du Congo c. Belgique du 14 février 2002, où la Cour internationale de justice se prononce sur l’immunité du ministre des Affaires étrangères du Congo : « [après avoir] examiné avec soin la pratique des États, y compris […] les quelques décisions rendues par de hautes juridictions nationales, telles la Chambre des lords ou la Cour de cassation française, [la Cour] n’est pas parvenue à déduire de cette pratique l’existence, en droit international coutumier, d’une exception quelconque à la règle consacrant l’immunité de juridiction pénale ». Dans un autre domaine, la Cour de justice de l’Union européenne étudie les droits comparés des États membres pour rechercher des notions juridiques communes entre ces dernières. Certaines juridictions nationales se dérobent à cette influence. Ainsi, la Cour suprême des États-Unis, dans l’affaire LaGrand, a refusé d’appliquer les décisions de la Cour internationale de justice rappelant le respect des obligations consulaires des États-Unis au titre de la Convention de Vienne sur les relations consulaires. Ce n’est pas le cas de la Cour de cassation française qui, notamment dans l’affaire de l’Érika, a fait une référence directe à la coutume internationale. Ce n’est pas le cas non plus de la Chambre des Lords dans …

Parties annexes