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De l’avis de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), l’une des principales caractéristiques de la démocratie réside dans la possibilité qu’elle offre de résoudre par le dialogue et sans recours à la violence les problèmes qu’éprouve un pays, et cela, même quand ils dérangent. La démocratie se nourrit en effet de la liberté d’expression. Sous ce rapport, une formation politique ne peut se voir inquiétée pour le seul fait de vouloir débattre publiquement du sort d’une partie de la population d’un État et de se mêler à la vie politique de celui-ci afin de trouver, dans le respect des règles démocratiques, des solutions qui puissent satisfaire tous les acteurs visés[1].

Les propres mots de la CEDH[2] montrent à quel point la notion de « société démocratique […] domine la Convention tout entière[3] ».

La sauvegarde des valeurs démocratiques constitue en effet l’ultima ratio de l’interprétation que la CEDH donne des articles relatifs à la liberté d’expression. L’arrêt Mathieu-Mohin et Clerfayt c. Belgique, du 2 mars 1987[4], puis l’arrêt Bowman c. Royaume-Uni, du 19 février 1998[5], placent la liberté d’expression politique au sommet des valeurs de la Convention européenne des droits de l’homme[6]. La jurisprudence de la CEDH précise que l’article 10 (2) de cette convention ne laisse guère de place à des restrictions au discours politique ou au débat sur les questions d’intérêt général[7]. Il s’agit d’un véritable droit à l’information tissé dans les mailles du principe démocratique, y compris pour le juge de l’Union européenne[8].

Nous ferons ici le choix de ne parler que de la liberté d’expression « politique » au sens étroit, c’est-à-dire la liberté d’expression des membres du personnel politique, des candidats aux élections et du public dans un contexte de compétition politique. Si la liberté d’expression englobe tous les contenus et si chacun de ceux-ci peut avoir une dimension politique, il convient de s’attacher à décrire plus particulièrement le soin avec lequel la CEDH concentre sa protection sur ces moments privilégiés de la vie démocratique et sur ces acteurs fondamentaux que sont les partis politiques. La conjonction, traitée ci-dessous, de la liberté d’expression et de l’objet politique conduit à écarter un certain nombre de questions qui pourraient pourtant sembler relever de ce champ. Nous ne pouvons aborder dans ce qui suit la totalité du droit à des élections libres et les aspects institutionnels qui lui sont liés. Seul le droit de communiquer durant les campagnes électorales sera mentionné à ce titre. La liberté de voter ou encore la liberté d’être éligible ou candidat constituent des prérogatives distinctes de la liberté d’expression[9]. Il en est de même du contentieux de l’interdiction des partis politiques, même s’il y sera fait allusion. Nous ne pourrons non plus décrire l’ensemble des manifestations de l’expression qui relèvent de l’intérêt général et que la CEDH protège comme telles. Toutes ne sont pas essentiellement « politiques », c’est-à-dire des manifestations liées à la sélection des gouvernants et à la prise de décision collective.

Au contraire, au coeur de la protection renforcée de la liberté d’expression dans le domaine politique, se trouve le moment des campagnes électorales. Le contexte électoral décuple cette protection : « Précieuse pour chacun, la liberté d’expression l’est tout particulièrement pour un élu du peuple ; il représente ses électeurs, signale leurs préoccupations et défend leurs intérêts. Partant, des ingérences dans la liberté d’expression d’un parlementaire de l’opposition, tel le requérant, commandent à la Cour de se livrer à un contrôle des plus stricts », écrit la CEDH dans l’affaire Féret c. Belgique[10]. La CEDH souligne qu’il est fondamental, dans une société démocratique, de défendre le libre jeu du débat politique. Faire campagne, cela implique de pouvoir se déplacer, communiquer, rencontrer, publier, trouver du financement pour tout cela, et finalement s’assurer du soutien de l’État dans cette entreprise.

La jurisprudence de la CEDH relative à la vie politique se nourrit de l’idée que seule la violence discrédite un discours ou une action politiques. Au contraire, tout moyen de communication et de structuration de la communication politique se trouve protégé par la volonté des juges européens qui conjuguent à ce propos divers articles de la Convention européenne des droits de l’homme. Lorsqu’il s’agit de débat politique, outre le droit à des élections libres de l’article 3 du Protocole no 1[11], la CEDH veille en effet à sublimer la liberté d’association de l’article 11[12] et de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme[13], coeur de la liberté d’expression.

La liberté d’expression occupe une place à part dans le paysage des libertés, car son rôle ne se limite pas à conférer des prérogatives à l’individu. Il s’agit aussi d’un droit objectif, d’un principe général qui conditionne l’existence de la démocratie et de l’ensemble des droits fondamentaux. Le droit de s’exprimer et le droit de recevoir de l’information conditionnent toute vie sociale et politique. Cette liberté rapproche les deux rives du fleuve des droits : celle des droits des anciens, soit des droits politiques, et celle des droits des modernes, c’est-à-dire des droits civils subjectifs. La liberté d’expression relève donc de la « fondamentalité logique » ou « systémique » comme clé des droits fondamentaux. Du point de vue de la CEDH, la liberté d’expression joue un rôle matriciel consacré par l’arrêt Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976[14] qui lui confère une portée très large puisque toutes les formes d’expression se trouvent protégées[15], jusqu’à la publicité commerciale[16].

D’une manière générale, les États signataires de la Convention européenne des droits de l’homme doivent adopter des mesures positives pour permettre l’expression politique. La CEDH développe l’effet horizontal de l’article 10 en sanctionnant les États qui n’assurent pas la liberté de communication lorsque l’atteinte provient des personnes privées, à condition que le droit interne implique l’action de l’État[17]. C’est le cas, par exemple, de menaces envers des journalistes que l’État doit protéger[18]. Cela passe par une action positive pour assurer la liberté de manifester dans la rue. Longtemps considérée (notamment en France) comme une simple tolérance d’un usage du domaine public non conforme à sa destination, toujours susceptible de troubles à l’ordre public, la liberté de manifestation est devenue une composante de la liberté de réunion et d’expression que l’État doit organiser quelle que soit l’opinion en cause[19]. Un minimum d’organisation existe en effet sous les traits d’une « campagne officielle », c’est-à-dire d’un espace-temps aménagé et contraignant dont le maître mot et la finalité résident dans l’égalité des candidats pour l’expression des idées politiques. Durant la campagne officielle, l’objectif qui consiste à assurer la qualité du jeu électoral par la représentation équitable des candidats, sert globalement la liberté de tous de faire campagne, mais il encadre plus ou moins fortement les moyens d’expression de chacun. Il reste que la seule limite de l’appel à la violence physique admet une violence verbale et symbolique qui peut mettre à mal le lien social[20].

Le contrôle de la CEDH sur les restrictions apportées à la liberté d’expression politique oscille entre l’impérieuse nécessité de concrétiser la protection la plus forte et la réalité de nombreux systèmes politiques européens en construction qui font face à des réalités sociales et à des traditions politiques divergentes de la démocratie. Dans ce labyrinthe, la CEDH joue à la fois sur le standard des articles 10 et 11 et sur leur complémentarité avec l’article 3 du Protocole no 1. Les contours de la norme se révèlent quelque peu fluctuants. S’il est possible de considérer que le standard affiché se veut très élevé, faisant de l’expression politique le saint des saints de la liberté d’expression, certaines décisions laissent apparaître une certaine imprévisibilité quant à savoir quelle est la liberté des ennemis de la liberté.

1 Une protection plurale de la liberté d’expression politique au nom de la démocratie

La CEDH se fonde sur les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et 3 du Protocole no 1, séparément ou ensemble pour dessiner des cercles concentriques de niveaux de protection de la liberté d’expression. La protection la plus élevée concerne les discours politiciens pendant les campagnes électorales puis, hors de ces temps forts, « des ingérences dans la liberté d’expression d’un homme politique, membre d’un parti de l’opposition, [qui représente ses électeurs, signale leurs préoccupations et défend leurs intérêts,] commandent à la Cour de se livrer à un contrôle des plus stricts[21] ». Au-delà, tout élément qui participe de l’information politique, support comme contenu, bénéficie encore d’une attention particulière[22].

1.1 La protection des discours politiques

La liberté n’est jamais aussi forte en droit que lorsqu’elle répond à un enjeu d’intérêt général. La critique politique fait partie intégrante d’une démocratie davantage définie comme un espace public dans lequel l’opinion publique se construit. C’est pourquoi la « démocratie participative », où l’information et la consultation du public, dépassent l’objet de l’article 3 du Protocole no 1 et consacre une dimension politique spécifique de l’article 10, presque un droit autonome[23]. L’esprit d’ouverture, la tolérance et le pluralisme doivent animer l’État autant que la préservation de la stabilité politique doit guider les opposants au gouvernement ou les minorités nationales. L’État doit ainsi mettre en oeuvre des mécanismes de transparence relatifs à la vie publique afin de nourrir l’information du public[24]. L’article 10 implique donc de permettre à la presse de dévoiler les éléments déterminants de la vie politique, sous les réserves classiques de la protection de la vie privée. Dans le cas des personnages publics, celle-ci devra concéder quelques atteintes[25]. Ainsi, la transparence implique de pouvoir révéler les condamnations pénales antérieures à la candidature à une élection[26]. En contrepartie, le personnel politique d’opposition bénéficie d’une liberté très protégée[27].

L’article 3 du Protocole no 1 apporte une dimension objective à la liberté d’expression : « Les Hautes Parties contractantes s’engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif. » Dans l’arrêt Yumak et Sadak c. Turquie[28], la CEDH a rappelé que les droits garantis par cet article conditionnent l’établissement et le maintien des fondements d’une véritable démocratie régie par la prééminence du droit. Au-delà des traditions nationales, l’article 3 apporte des garanties « cruciales[29] » à la démocratie en y organisant le principal moyen d’expression politique : l’élection des représentants exerçant la fonction législative. Lorsqu’elle doit connaître de questions de conformité à l’article 3 du Protocole no 1, la CEDH s’attache essentiellement à deux critères : elle recherche, d’une part, si la restriction a porté atteinte à la libre expression de l’opinion du peuple et, d’autre part, s’il y a eu arbitraire ou manque de proportionnalité. Elle réaffirme toujours alors l’ample marge d’appréciation dont jouissent les États contractants. L’arrêt Zdanoka c. Lettonie[30] présente en ce sens une évolution importante, favorable à une plus grande autonomie des États pour dresser des barrières à l’expression politique des partisans de valeurs considérées comme moins démocratiques. Il suffit pour cela que l’État ne soit pas animé d’un esprit de répression mais de « prévention » et que les interdictions de participer à la vie politique soient le fruit d’une individualisation et non d’une posture de principe[31].

La CEDH est parvenue à une conclusion dans l’affaire Fleury c. France du 11 mai 2010[32]. Le requérant est un conseiller municipal d’opposition agressé physiquement par un élu de la majorité, qui a publié des tracts faisant état d’interrogations « sur les manipulations de nos chers dirigeants qui “crochent un peu trop dedans” ». Le tract se référait à une « commission d’appel d’offres […] dont les règles ont été bafouées[33] » et autres accusations de malhonnêteté. À la suite d’une plainte avec constitution de partie civile du maire contre M. Fleury, il a été déclaré coupable de diffamation envers un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public. Ce que les juridictions supérieures ont confirmé. La CEDH y estime que plusieurs raisons militent en faveur d’une forte protection de la liberté d’expression. Outre le fait que les propos relevaient du discours politique ou de questions d’intérêt général, ils visaient un homme politique en tant que tel (à l’égard de qui les limites de la critique admissible sont plus larges) et émanaient d’un autre homme politique, d’un groupe d’opposition (cette dernière circonstance amenant la CEDH à exercer un contrôle des plus stricts). Néanmoins, la CEDH note que, lorsque le tract litigieux a été diffusé, aucun débat public n’était en cours sur la gestion de la commune. Le maire n’avait d’ailleurs pas fait l’objet de poursuites judiciaires à ce sujet. Ainsi, tout jugement de valeur doit avoir au minimum une base factuelle, ce qui n’était ici pas le cas (les juridictions françaises ayant considéré que les faits imputés au maire n’étaient pas établis). Enfin, la CEDH souligne que les accusations portées à l’encontre du maire étaient d’une extrême gravité et qu’elles pouvaient paraître d’autant plus crédibles qu’elles émanaient d’un membre du conseil municipal, censé être bien informé sur la gestion de la commune. Dans ces conditions, la peine n’était pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi, soit de protéger la réputation d’autrui, et les motifs invoqués pour justifier ces mesures étaient pertinents et suffisants.

L’article 3 du Protocole no 1 peut être joint à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme[34]. À propos des dépenses de campagne, la CEDH a estimé qu’il fallait considérer le droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 à la lumière du droit de tenir des élections libres, protégé par l’article 3 du Protocole no 1[35].

1.2 La protection des campagnes électorales

Dans la jurisprudence de la CEDH, le contexte électoral provoque automatiquement une sorte d’attraction vers l’intérêt général du discours. Déjà, dans l’arrêt Piermont c. France[36], la CEDH avait condamné la France pour avoir expulsé une parlementaire européenne allemande venue faire entendre la voix des écologistes européens dans une campagne électorale en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie[37]. Le fait qu’il s’agissait d’un tiers non candidat, étranger de surcroît, n’en a pas moins mené à un contrôle strict du juge.

Dans l’affaire Tv Vest As & Rogaland Pensjonistparti c. Norvège[38], les requérants (membres d’un petit parti de « retraités ») se plaignaient d’une amende pour violation de l’interdiction légale de diffusion de toute publicité politique, infligée par l’Autorité des médias à une chaîne de télévision au motif que celle-ci avait diffusé une publicité pour un petit parti sans moyens. Ils estimaient que cette sanction avait emporté violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, la Norvège n’a pas de système d’attribution de temps d’antenne pour les partis politiques en campagne. Cela les a conduits à ne pas pouvoir présenter leur programme directement à l’électorat. L’interdit absolu de toute publicité politique payante les privait d’antenne, sauf lorsque, étant des grands partis, les journalistes les invitaient. Cela signifiait que le discours politique à la télévision serait canalisé par les équipes éditoriales des diffuseurs. La CEDH retient donc dans ce cas une violation de l’article 10.

Le contexte électoral annihile ainsi presque la possibilité même du délit de diffamation. L’arrêt Brasilier c. France du 11 avril 2006[39] en fournit l’illustration. En l’espèce, des accusations de fraude électorale et de « magouilles électoralistes » étaient portées par des tracts diffusés sur la place publique lors de la campagne des élections municipales, visant le député-maire du ve arrondissement de Paris. Le requérant était lui-même candidat à l’élection litigieuse. Alors que les juridictions françaises avaient relaxé le prévenu sur le plan pénal, mais l’avaient condamné civilement à un euro symbolique, la CEDH estime qu’il y a eu ingérence disproportionnée en raison de l’effet dissuasif qu’emporte cette condamnation de principe. La CEDH rappelle alors qu’un adversaire des idées et des positions officielles doit avoir la possibilité de discuter de la régularité d’une élection et que, dans le contexte d’une compétition électorale, la vivacité des propos est plus tolérable qu’en d’autres circonstances.

C’est également ce qui a conduit à la condamnation de la France dans l’affaire Desjardin c. France en 2008[40]. En l’espèce, le requérant est agriculteur et membre du parti politique écologiste « Les Verts ». Il était candidat aux élections cantonales de 2001. Au cours de cette campagne, il a participé à la distribution de tracts par lesquels il déclarait notamment : « j’ai permis de rendre publiques des atteintes graves à l’environnement et des risques à la santé des hommes. En voici quelques-uns : soutien aux habitants du [C.], qui ont obtenu la démission de l’ancien maire qui polluait l’eau de la commune[41]. » Ce dernier visé s’est constitué partie civile et a fait citer le requérant devant le tribunal correctionnel afin qu’il y réponde du délit de diffamation publique à l’encontre d’un particulier, estimant être visé par le tract susmentionné. Condamné par la justice française qui y voyait une atteinte à l’honneur du maire, en tant que « personne privée », le requérant a eu gain de cause à Strasbourg. Voici l’avis de la CEDH à cet effet :

[L]imiter de la sorte ces propos à un but unique de diffamation d’un particulier reviendrait à nier le contexte électoral dans lequel ils ont été tenus […] le tract visait expressément « l’ancien maire », ce qui renforce l’hypothèse selon laquelle il était essentiellement question pour le requérant de critiquer la manière avec laquelle celui-ci avait exercé ses fonctions dans le cadre d’un mandat public et non de porter atteinte à sa réputation dans un cadre privé[42].

En outre, la part d’exagération contenue dans le message doit faire partie de la liberté de ton de la campagne électorale (« la Cour estime que ces écrits constituaient davantage un jugement de valeur que de pures déclarations de fait[43] »). Il ressort ainsi de la jurisprudence de la CEDH que, « si tout individu qui s’engage dans un débat public d’intérêt général — tel le requérant en l’espèce — est tenu de ne pas dépasser certaines limites quant — notamment — au respect de la réputation et des droits d’autrui, il lui est permis de recourir à une certaine dose d’exagération, voire de provocation, c’est-à-dire d’être quelque peu immodéré dans ses propos[44] ».

La liberté d’expression des non-candidats peut elle aussi se trouver encadrée par des nécessités impérieuses. Ainsi, dans le célèbre arrêt Bowman c. Royaume-Uni du 19 février 1998[45], il s’agissait d’une militante anti-avortement qui avait fait imprimer plus d’un million de tracts pendant une campagne législative pour expliquer la position des candidats sur la question de l’avortement et donc inciter à voter pour les candidats conservateurs. Or, la loi anglaise interdisait qu’une personne non candidate puisse consacrer plus de 5 livres à de la propagande électorale. Certes, la CEDH admet comme nécessaire, avant ou pendant une élection, de prévoir certaines restrictions à la liberté d’expression, alors qu’elles ne seraient habituellement pas admissibles, afin de garantir « la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif[46] ». Cependant, en l’espèce, elle juge disproportionné (trop bas) le seuil de 5 livres, ce qui conduit à la violation de l’article 10.

La CEDH se situe ainsi plus volontiers sur le terrain de l’article 10 que sur celui de l’article 3, même lorsqu’il est question du temps de parole des candidats dans les médias[47] ou de la publication des sondages. Dans le domaine de la communication politique, la réglementation ne peut limiter conjoncturellement l’expression que dans le but d’assurer une représentation structurelle exempte de manipulations[48]. L’exemple de la question de la diffusion des sondages durant les campagnes électorales en donne une illustration. La Loi no 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion[49] interdisait la publication, la diffusion et le commentaire de tout sondage par quelque moyen que ce soit pendant la semaine qui précède chaque tour de scrutin ainsi que pendant le déroulement de celui-ci. Ce dispositif a été jugé compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme par le juge administratif[50] contrairement à l’ordre judiciaire[51]. Cette divergence a suscité une nouvelle intervention du législateur. La loi du 19 février 2002 interdit désormais de publier, de diffuser et de commenter tout sondage par quelque moyen que ce soit la veille et le jour du scrutin, sauf information mise en ligne sur Internet avant cette date[52]. La même conciliation a été opérée outre-Atlantique[53].

Selon la CEDH, les « droits subjectifs[54] » garantis par l’article 3 du Protocole no 1 sont reconnus aux personnes physiques. Cela étant, même si la législation électorale restreint le droit des candidats pris individuellement de se présenter à une élection sur la liste d’un parti, celui-ci peut, en cette qualité, se prétendre victime d’une violation de l’article 3 du Protocole no 1, indépendamment de ses candidats[55]. Toujours au titre de l’article 3, la Cour européenne a souvent souligné la nécessité d’assurer la neutralité politique des fonctionnaires, des magistrats et des autres personnes investies de la mission de contrôler le processus électoral[56].

Ce premier temps de la réflexion permet donc d’établir clairement un haut degré de protection de la liberté d’expression dans le domaine politique. L’étude des limites que la CEDH accepte néanmoins montre là encore une tolérance parfois comparable à celle qu’admettent le Canada ou les États-Unis d’Amérique.

2 Une protection accrue au risque d’admettre des mouvements subversifs de la démocratie

Les prérogatives issues de la liberté d’expression politique ne sont pas absolues. Les « limites aux limites » acceptées par la CEDH se révèlent très permissives. Cette configuration se rencontre précisément dans le cas de l’expression politique et conduit à accepter l’expression de propos qui dénoncent les structures mêmes de la démocratie, pourvu qu’il n’y ait pas d’appel à la violence ou à l’exclusion, car alors, « dire c’est faire[57] ».

Nous ne mentionnerons pas ici les limites imposées à la liberté d’expression de certains fonctionnaires[58] au nom de la loyauté, ce qui peut aller jusqu’à interdire leur candidature à des élections[59]. La CEDH admet de même que certains régimes exigent de manière traditionnelle un serment d’allégeance aux fondements du régime politique[60]. Les États contractants doivent se voir accorder une marge d’appréciation en la matière[61].

2.1 Des limites propres au champ politique

En vertu de l’article 10, l’arrêt Bowman c. Royaume-Uni du 19 février 1998[62], pose l’idée que, dans certaines circonstances, la liberté d’expression et le droit à des élections libres peuvent entrer en conflit. La CEDH admet comme nécessaire, avant ou pendant une élection, de prévoir certaines restrictions à la liberté d’expression, alors qu’elles ne seraient habituellement pas admissibles, afin de garantir « la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif[63] ». Certes, la CEDH reconnaît que, en ménageant un équilibre entre ces deux droits, les États contractants disposent d’une marge d’appréciation, comme c’est généralement le cas s’agissant de l’organisation de leur système électoral. Toutefois, indépendamment de toute limite tenant au contenu du message politique, l’expression politique peut être canalisée au nom de la qualité de la campagne. L’enjeu politique finalise donc la liberté de faire campagne et réduit en conséquence la marge nationale d’appréciation sur ce point. Plutôt large lorsqu’il est question de moralité ou d’ordre public, la marge nationale d’appréciation se réduit à rien dans le domaine des élections[64].

Dans l’arrêt Murphy c. Irlande[65], la CEDH a posé le principe selon lequel la nature du support de communication est un paramètre important de la liberté d’expression, et donc de l’appréciation de sa violation, qui doit être pris en considération dans l’examen de la proportionnalité de l’ingérence. L’importance des médias audiovisuels, dont l’impact est sans commune mesure avec les autres supports, modifie l’appréciation que la CEDH peut porter sur les limitations de la liberté de faire campagne. Dans l’affaire Tv Vest As & Rogaland Pensjonistparti c. Norvège[66], les requérants contestaient la spécificité accordée à la télévision, seul média dont l’accès est restreint, ce qui créait une inégalité entre les candidats à l’élection. Cette spécificité, qui les a conduits à ne pas pouvoir y communiquer, serait disproportionnée et, dès lors, non nécessaire dans une société démocratique. Selon le gouvernement au contraire, la problématique principale de cette affaire n’est pas la protection de la liberté d’expression, mais, d’abord et avant tout, l’intégrité du processus démocratique, et en particulier le droit des électeurs à des élections équitables et démocratiques, ce qui implique de ne pas permettre aux partis les plus riches de s’emparer de la télévision. L’interdiction en cause garantirait l’impartialité politique du contenu diffusé à la télévision ; elle permettrait également de limiter le montant total des dépenses de campagne des partis politiques et des groupements d’intérêt, de réduire leur dépendance à l’égard des riches donateurs et de placer tous les candidats aux élections sur un pied d’égalité. Malgré cela, dans cette affaire, la CEDH juge ce système tout à fait inefficace et même contreproductif, car il aboutit à l’effacement complet des petits partis, privés de la voie publicitaire alors qu’ils devraient bénéficier du bâillonnement des grands partis. Déjà l’arrêt Vgt Verein gegen Tierfabriken c. Suisse[67] avait sanctionné une interdiction totale de la publicité politique.

Dans le cas de l’article 11, les libertés de réunion et d’association sont aussi des moyens concrets d’assurer la communication des idées politiques : « La protection des opinions et de la liberté de les exprimer constitue l’un des objectifs de la liberté de réunion et d’association[68]. » La liberté de s’assembler pour faire entendre collectivement une opinion garantit l’existence des minorités politiques, en d’autres termes, du pluralisme, clé de voûte de la démocratie[69]. La CEDH le note d’ailleurs dans l’affaire Ezelin c. France : « Malgré son rôle autonome et la spécificité de sa sphère d’application, l’article 11 doit, en l’occurrence, s’envisager aussi à la lumière de l’article 10 […] La protection des opinions personnelles, assurée par l’article 10, compte parmi les objectifs de la liberté de réunion pacifique telle que la consacre l’article 11[70]. » Cela implique la protection du fait de manifester dans la rue, un cortège constituant une réunion publique. La CEDH accepte toutefois que des régimes d’autorisation viennent l’encadrer, à condition que les motifs de refus soient impérieux[71]. Dans un arrêt particulièrement motivé, Alexeïev c. Russie[72], le juge européen sanctionne le maire de Moscou sur le fondement de l’article 11 et de l’article 14 pour avoir interdit trois années successivement l’organisation de la Gay Pride, arguant à la fois de motifs sécuritaires mal motivés et d’une hostilité explicite aux homosexuels. De même, viole l’article 11 l’interdiction d’une manifestation bien qu’elle s’annonce pourtant violente au regard des tracts très vindicatifs et même si des drapeaux et des effigies de chefs d’État avaient été brûlés. En effet, la police a pour rôle de s’interposer entre deux groupes de manifestants afin de faire respecter l’ordre public ; or, par le passé, les manifestations organisées par le parti requérant s’étaient toujours déroulées dans le calme[73].

L’État doit accepter un degré minimal d’atteinte à l’ordre public, inhérent à l’acte de manifester. Dans l’affaire Galstyan c. Arménie[74], le requérant avait été emprisonné trois jours pour « blocage de la circulation routière » et « fortes nuisances sonores ». Pour la CEDH, le « blocage » ne signifiait rien d’autre que sa présence physique à une manifestation dans une rue où le trafic automobile avait déjà été interrompu et les « fortes nuisances sonores » sont inhérentes à la manifestation, sans obscénité ni incitation à la violence. La CEDH conclut que l’intéressé a été sanctionné uniquement pour avoir été présent et actif à la manifestation en question et qu’il y a atteinte à la substance même du droit de réunion pacifique. Car la limite tient dans le comportement violent ou haineux des manifestants. Par ailleurs, la menace d’une contre-manifestation ne peut ainsi être le prétexte unique à l’interdiction d’une manifestation[75].

Sans pouvoir le développer ici, nous indiquerons tout de même que les partis politiques, comme structures organisationnelles, relèvent de la notion autonome d’« association » de l’article 11. Dès qu’il est question de partis politiques, l’article 11 s’interprète à la lumière de l’article 10[76]. Un certain nombre de garanties nourrissent ainsi l’activité des partis. Les restrictions doivent être justifiées, notamment pour assurer la sincérité du scrutin. Ainsi, en France, les réunions sont possibles jusqu’à la veille du scrutin et non le jour même, ce qui constitue une limite admise par le Conseil constitutionnel[77].

On le voit là encore, quoiqu’elles soient subtiles, les « limites des limites » laissent un champ large à la liberté. L’ultime frontière concerne les ennemis de la démocratie.

2.2 L’admission des ennemis de la démocratie ?

Cette frontière se mesure à l’aune d’un autre article de la Convention européenne des droits de l’homme : l’article 17 qui traite de l’abus de droit. Il s’applique aussi aux ennemis de la démocratie qui utilisent les voies de la démocratie[78]. Son maniement par la CEDH, d’une subtile complexité, obéit à une logique casuistique ouverte sur la contestation de la démocratie sans aller jusqu’à admettre sa négation : « nul ne doit être autorisé à se prévaloir des dispositions de la Convention pour affaiblir ou détruire les idéaux et valeurs d’une société démocratique[79] ».

Il convient ici de mettre à part l’« exception » consensuelle que constitue la caricature, qui peut être une forme d’expression artistique, par définition provocatrice. Souvenons-nous en effet de l’affaire autrichienne qui a conclu à la violation de l’article 10 par l’interdiction d’une exposition de tableaux présentants des personnalités, notamment politiques, dans des postures pornographiques[80]. La presse peut elle-même disposer d’une certaine dose d’exagération, voire de provocation[81].

La CEDH admet les discours « simplement » séditieux, mais non ceux qui, en eux-mêmes, constituent une négation de la démocratie. Renonçant à la haine et à la résistance armée, toutes les opinions doivent pouvoir s’exprimer[82].

Il existe plusieurs limites certaines à la liberté d’expression politique. L’évitement des discours contraires à la paix sociale (racistes ou xénophobes) constitue un degré supérieur. La CEDH a en particulier jugé qu’un « propos dirigé contre les valeurs qui sous-tendent la Convention[83] » se voit soustrait par l’article 17 à la protection de l’article 10. Il s’agit du contentieux français lié à l’incrimination de la négation du génocide des juifs lors de la Seconde Guerre mondiale. Emblématique, l’affaire Garaudy c. France[84], relative à la condamnation pour contestation de crimes contre l’humanité de l’auteur d’un ouvrage remettant en cause de manière systématique des crimes contre l’humanité, admet de soustraire à la protection de l’article 10 les propos antisémites[85]. Dans l’arrêt Orban et autres c. France[86], la CEDH a souligné que des propos ayant sans équivoque pour objet de justifier des crimes de guerre, tels que la torture ou des exécutions sommaires, sont pareillement caractéristiques d’un détournement de l’article 10 de sa vocation. La liberté d’expression ne permet pas non plus d’appeler par affichage à l’expulsion des musulmans hors du Royaume-Uni[87]. Les propos contre l’immigration et les immigrés peuvent faire l’objet de restrictions légitimes[88]. Est atteinte ici une « limite aux limites » qui traduit une conception incertaine, en tout cas plus limitée, de la liberté d’expression qu’en Amérique du Nord.

Même le contexte de la campagne électorale n’autorise pas à proférer des propos tendant à l’exclusion ou à la haine raciale. La CEDH a ainsi forcé un peu sa jurisprudence en prenant quelques risques avec la liberté d’expression politique dans l’affaire Féret c. Belgique[89]. M. Féret est président du parti politique appelé « Front national-Nationaal Front ». Il est éditeur responsable des écrits de ce parti et propriétaire du site Web de celui-ci. La justice le condamne à la levée de son immunité parlementaire en raison de la campagne du parti qui a donné lieu à de nombreuses plaintes pour incitation à la haine, à la discrimination et à la violence en raison de la race, de la couleur ou encore de l’origine nationale ou ethnique, le tout sur le fondement de la Loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie[90]. La vérification par la CEDH du caractère « nécessaire dans une société démocratique » de l’ingérence impose de rechercher si celle-ci correspondait à un « besoin social impérieux », si elle était proportionnée au but légitime poursuivi et si les motifs fournis par les autorités nationales pour la justifier étaient pertinents et suffisants[91]. Les autorités nationales jouissent d’une certaine marge d’appréciation[92] qui ne peut cependant permettre de sortir du lien social. Ici la CEDH ne requiert plus un quelconque passage à l’acte suivant l’incitation à la violence. Les seuls propos ségrégationnistes de l’auteur suffisent à justifier la sanction d’inéligibilité. La CEDH finit par inverser la logique, faisant du contexte électoral un argument supplémentaire pour limiter les contenus :

Si, dans un contexte électoral, les partis politiques doivent bénéficier d’une large liberté d’expression afin de tenter de convaincre leurs électeurs, en cas de discours raciste ou xénophobe, un tel contexte contribue à attiser la haine et l’intolérance car, par la force des choses, les positions des candidats à l’élection tendent à devenir plus figées et les slogans ou formules stéréotypées en viennent à prendre le dessus sur les arguments raisonnables. L’impact d’un discours raciste et xénophobe devient alors plus grand et plus dommageable[93].

La peine d’inéligibilité de dix ans n’est pas alors disproportionnée dans la mesure où l’État belge n’a pas eu recours à une sanction pénale. Dans leur opinion dissidente, les juges Sajo, Zagrebelsky et Tsotsoria regrettent cette posture de censeur de la CEDH et appellent à tenir compte davantage du contexte électoral comme lieu de liberté de parole.

Une autre question est celle du terrorisme. Dans l’affaire Leroy c. France[94], la principale difficulté réside dans la possibilité de punir l’apologie du terrorisme sans entraver la liberté d’expression. Le requérant avait été condamné pour avoir glorifié, par complicité, les attentats du 11 septembre 2001 par le canal d’un journal hebdomadaire dont le directeur de publication a été condamné pour apologie (dessin montrant la destruction des tours du World Trade Center accompagné de la légende « Nous en avions tous rêvé, le Hamas l’a fait »). Si la presse ne doit pas franchir les bornes fixées en vue, notamment, de la protection des intérêts vitaux de l’État, telles la sécurité nationale ou l’intégrité territoriale, contre la menace de violence ou du terrorisme, ou en vue de la défense de l’ordre ou de la prévention du crime, il lui incombe néanmoins de communiquer de l’information et des idées sur des questions politiques, y compris sur celles qui divisent l’opinion. Le requérant reproche à la cour d’appel visée d’avoir nié sa véritable intention, qui relevait de l’expression politique et militante, soit celle d’afficher son antiaméricanisme à travers une image satirique et d’illustrer le déclin de l’impérialisme américain. Selon lui, les éléments constitutifs de l’apologie du terrorisme n’étaient pas réunis en l’espèce pour justifier une restriction à la liberté d’expression. Au contraire, la CEDH estime que la condamnation est justifiée en raison du contexte (publication du dessin le 13 septembre 2001) et de l’adhésion au projet terroriste sans ambiguïté.

La CEDH admet ainsi la dissolution des mouvements politiques qui prônent la chute de la démocratie elle-même ou utilisent des moyens violents ou font les deux à la fois. L’objet de l’association doit être compatible avec la démocratie et ne doit pas soutenir le terrorisme : dès lors, le gouvernement espagnol peut dissoudre une association politique proche de l’Euskadi Ta Askatasuna (ETA)[95]. Pourtant, et c’est sans doute l’essentiel, l’interdiction d’un parti n’implique pas l’interdiction automatique des réunions politiques[96]. Des interdictions générales limitant la liberté d’expression et de réunion, en l’absence d’incitation à la violence ou de rejet des principes démocratiques, desservent la démocratie et, dans bien des cas, la mettent plutôt en danger. Nous ne saurions en outre taire un sentiment d’insécurité juridique quant aux conditions d’interdiction des partis[97] ou de leurs propos[98].

La CEDH fait surtout alors la part belle aux contextes nationaux, voire locaux, et à leur histoire. Un certain nombre d’arrêts admettent des restrictions à l’activité politique des fonctionnaires ayant appartenu à des régimes totalitaires. Cependant, cela ne conduit pas en soi à l’interdiction d’un parti communiste dans un pays où il a exercé précédemment le pouvoir[99]. La CEDH prend également en considération le délai qui s’est écoulé entre la fin du régime oppressif et la mise en place d’un régime législatif restrictif de la liberté politique. Ainsi, elle se montre plus ouverte à des restrictions immédiates mais provisoires, pour installer la démocratie, qu’à des restrictions qui interviennent trop longtemps après[100].

Une autre limite, très contestée de nos jours, réside dans l’article 16 de la Convention européenne des droits de l’homme qui autorise les États à limiter en tant que telle l’activité politique des étrangers. La CEDH a pris soin d’en adopter une interprétation très restrictive, au point d’en neutraliser les effets contraires à la liberté d’expression. Cet article ne joue plus guère que dans l’hypothèse où l’étranger porterait atteinte aux intérêts supérieurs de l’État d’accueil[101]. Nous pourrions aussi développer la question de la conciliation entre, d’une part, l’immunité dont bénéficient les parlementaires dans certains pays, laquelle protège en principe leur liberté d’expression, et, d’autre part, l’abus qui peut être fait de cette protection ou bien le fait qu’elle prive, paradoxalement, le député de l’accès au prétoire pour se faire entendre du juge[102].

Certains pourront toujours ainsi trouver que cette jurisprudence, toute en nuances et en considérations factuelles, restreint trop ou pas assez la liberté d’expression politique. Nous mettrons au crédit de la CEDH d’avoir su affirmer en la matière un standard européen qui dépasse des traditions nationales très différentes et de l’avoir rapproché parfois du niveau de protection nord-américain[103].