PrésentationConcilier la productivité de l’entreprise et la protection de la santé, de la sécurité et de la dignité du salarié : des solutions novatrices en France et au Québec[Notice]

  • Anne-Marie Laflamme et
  • Christian Brunelle

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  • Anne-Marie Laflamme
    Vice-doyenne aux programmes de premier cycle et professeure agrégée, Faculté de droit, Université Laval ; avocate et chercheuse au Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT).

  • Christian Brunelle
    Professeur titulaire, Faculté de droit, Université Laval ; avocat et chercheur au Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT).

Dans ses anciens écrits destinés à l’éducation des enfants, Plutarque enseignait ceci : « Le repos est l’assaisonnement du travail. » S’il devait porter un jugement sur notre époque, il est à craindre qu’il dirait de nos vies qu’elles manquent encore cruellement de saveur ! De fait, sous l’impulsion de la compétitivité économique, le monde du travail subit des transformations majeures qui impactent de différentes manières la santé, la sécurité et la dignité des salariés. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication constituent de puissants moteurs de productivité, certes, mais aussi d’une certaine aliénation en ce qu’elles permettent une ingérence insidieuse dans la vie privée des salariés, brouillant furtivement les frontières entre la vie personnelle et la vie professionnelle. La santé mentale au travail soulève dorénavant des enjeux cruciaux, non seulement parce que les atteintes prennent souvent racine dans l’organisation même du travail, mais aussi parce que la main-d’oeuvre compte de plus en plus de salariés dont la santé mentale se trouve fragilisée par un environnement où l’adaptation des tâches et des conditions de travail est perçue comme un obstacle à la productivité. Les entreprises, avides d’une flexibilité toujours plus grande, sont alors tentées de faire appel à une main-d’oeuvre externe dont elles peuvent disposer à leur gré, tout en se soustrayant aux responsabilités sociales qui devraient autrement leur incomber à titre d’employeurs. Ces salariés temporaires, dont le statut est souvent marqué par une grande précarité, voient ainsi leur santé et leur sécurité mises en péril par la structure tripartite d’une relation d’emploi où l’obligation de protection inhérente au statut d’employeur est soudainement sublimée. À travers ces nouvelles contraintes se profile la difficile conciliation entre les droits fondamentaux du salarié, d’une part, et les pouvoirs de l’employeur, d’autre part, ce dernier disposant d’une autorité et d’une capacité d’organisation clairement affirmées par le droit du travail. En filigrane se pose la question du rôle de l’État dans le rétablissement d’un certain équilibre entre des acteurs au pouvoir économique inégal. Ces questions soulèvent un contentieux important un peu partout dans le monde, et la France et le Québec n’y échappent pas. Un regard croisé sur les réalités de l’une et l’autre permet de mettre en lumière les difficultés communes, mais aussi les solutions novatrices apportées des deux côtés de l’Atlantique. C’est dans cette perspective que la Faculté de droit de l’Université Laval, au Québec, en collaboration avec l’Université Lille 2 Droit et Santé, en France, a été l’hôte d’une rencontre scientifique les 15 et 16 juin 2012, afin de susciter la discussion et de nourrir la réflexion autour de trois problématiques à la fois distinctes, par leur nature, mais interreliées par leurs effets : Cette rencontre s’inscrivait dans la foulée d’un premier symposium tenu à Lille en juin 2009, qui avait pour thème l’obligation française de reclassement et l’obligation québécoise d’accommodement à l’égard du salarié handicapé. Le succès de cet événement, qui réunissait des participants issus des milieux juridique, syndical, patronal et politique ainsi que du réseau de la santé, avait confirmé la pertinence de poursuivre et de pousser plus loin la recherche en droit/santé/travail dans une perspective pluridisciplinaire et comparative. Le débat d’idées s’est donc poursuivi à Québec, où des acteurs des milieux patronaux, syndicaux et de la recherche se sont penchés sur la nécessaire prise en considération des droits fondamentaux du travailleur dans l’élaboration des politiques publiques et des décisions d’entreprises, au regard des trois problématiques ciblées. Le rendez-vous de Québec et les textes qui en ont résulté ont été rendus possibles grâce à une généreuse subvention du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) obtenue …