Chronique bibliographique

Pierre-Emmanuel Moyse (dir.), Distribution des intangibles. La propriété intellectuelle dans le commerce des nouveaux biens, Montréal, Thémis, coll. Concurrence et innovation, 2014, t. 2, 312 p., ISBN 978-2-89400-337-4.[Notice]

  • Charlaine Bouchard

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  • Charlaine Bouchard
    Université Laval

L’ouvrage sous la direction de Pierre-Emmanuel Moyse regroupe les textes de la quatrième conférence du cycle « Concurrence et innovation » du Centre des politiques en propriété intellectuelle (CPPI) de l’Université McGill, en partenariat avec l’Association internationale des jeunes avocats (AIJA) et le Centre de recherche en droit public (CRDP) de l’Université de Montréal. Il traite du rapport entre la propriété intellectuelle et la circulation internationale des biens. Bien qu’il s’agisse, a priori, de questions internationales, les organisateurs de l’évènement ont choisi d’étudier le sujet selon la double perspective nord-américaine et européenne, la relation entre la propriété intellectuelle et l’épuisement des droits faisant appel à un concept qui tire son origine à la fois des États-Unis et de l’Europe. Aux États-Unis, tout d’abord, l’épuisement des droits, communément appelé la « doctrine de la première vente », prend sa source dans la jurisprudence de 1908, laquelle a influé par la suite sur la Loi sur le droit d’auteur de 1909. Pour l’Europe, c’est la doctrine allemande qui, à la fin du xixe siècle, a pavé le chemin à la Loi sur le droit d’auteur de 1901. Qu’englobe la notion d’épuisement des droits, peu connue en droit canadien, et de quoi parle-t-on lorsqu’on fait référence à la doctrine de la première vente ? Ce sont là les principales questions auxquelles les auteurs s’efforcent de répondre dans cet ouvrage. Le concept d’épuisement des droits serait un terme générique pour désigner toutes les transactions portant sur des objets qui incorporent des droits de propriété intellectuelle. Par exemple, un auteur touche des redevances pour la première vente de son ouvrage, mais par la suite il a épuisé son droit de distribution. Voilà pourquoi l’auteur ne touchera pas de redevances pour les transactions subséquentes à la première vente de son livre (la vente, par exemple, dans une libraire d’occasion). Cette première vente aura épuisé le droit de distribution de l’auteur sur le livre, d’où la qualification de doctrine de la première vente. Le terme « épuisement » constitue donc un terme générique signifiant que l’auteur ne pourra plus être rémunéré pour les transactions suivantes sur son oeuvre, son invention, son dessin, etc. Lorsque l’épuisement des droits est de portée nationale, la revente du livre sur le territoire national ne peut être interdite par le titulaire du droit d’auteur sur l’oeuvre qui y est incorporée. Par contre, dans l’hypothèse où le livre serait revendu dans un autre pays où la doctrine de l’épuisement est applicable, la revente du livre sur ce nouveau territoire constituera la première vente de ce livre sur le territoire du second pays. À ce titre, comme l’explique la professeure Ysolde Gendreau qui signe l’avant-propos de l’ouvrage (p. xi), Pour comprendre l’importance de cette question et la pertinence d’y consacrer un colloque, il faut s’arrêter au contexte de l’époque : en 2012, de part et d’autre de l’Atlantique, cette question retenait l’attention des tribunaux, qu’il s’agisse de l’affaire Entertainment Software Association c. SOCAN au Canada, de la décision ReDigi aux États-Unis ou encore, pour l’Europe, de l’affaire UsedSoft GmbH c. Oracle International Corp. Rappelons aussi qu’au Canada, outre l’introduction en 2012 d’un droit de distribution dans la nouvelle mouture de la Loi sur le droit d’auteur, le législateur y a associé un épuisement international. Toutes ces avancées législatives, jurisprudentielles et doctrinales permettent de fonder la pertinence de l’ouvrage et de saluer le flair des organisateurs qui ont su saisir les circonstances favorables pour profiter de l’expérience étrangère. Ainsi, dans la première partie de l’ouvrage, les textes des professeurs Valérie-Laure Benabou de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, et de Pierre-Emmanuel …

Parties annexes