Chronique bibliographique

Thierry Delpeuch, Laurence Dumoulin et Claire de Galembert, Sociologie du droit et de la justice, Paris, Armand Colin, 2014, 314 p., ISBN 978-2-200-24645-7[Notice]

  • Hugo Vaillancourt

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  • Hugo Vaillancourt
    Université de Montréal

Sociologie du droit et de la justice est un ouvrage qui devrait être lu et relu, autant par les néophytes que les spécialistes. Les premiers y trouveront une introduction de qualité à ce champ du savoir trop souvent mis à l’écart dans le cursus universitaire, mais pourtant essentiel à la formation complète de tout juriste. Les seconds apprécieront la rigueur et l’originalité de la recherche des auteurs, en plus d’une panoplie de nuances et de précisions dont nous pouvions pas faire état ici. Un ouvrage à placer d’une manière ou d’une autre à côté de vos plus grands dans la bibliothèque !

L’ouvrage dont nous faisons la recension offre une synthèse de la recherche actuelle en sociologie du droit selon trois spécialistes des sciences sociales. Les auteurs se gardent toutefois d’une approche uniquement sociologique et, pour ce faire, pigent par-ci par-là dans l’histoire, la science politique et l’anthropologie pour étayer leurs propos. À cette interdisciplinarité s’ajoute aussi une perspective internationale des thèmes abordés. Dans un premier temps, les auteurs exposent la fonction régulatrice du droit en société. Les règles juridiques indiquent à la population le comportement qu’il faut suivre, et ceci contribue à canaliser les conflits, à diminuer le désordre et à harmoniser les conduites de tout un chacun. La régulation s’effectue peu à peu en intégrant dans le droit les règles qui font consensus, phénomène consacré par le terme « juridicisation ». Une autre manière de réguler les comportements se produit par des jugements judiciaires et l’on attribue à sa récente prolifération la notion de « judiciarisation ». Les auteurs apportent cependant un bémol à ce portrait général, en exposant que la vocation régulatrice du droit est amenuisée par le fait que des acteurs puissent ne pas respecter la loi tout en n’étant jamais découverts. Les auteurs exposent dans ce chapitre que la culture d’une société se reflète dans son droit. La délinquance sexuelle revêt par exemple une réprobation sociale très particulière aux États-Unis, et ceci s’exprime par un droit oppressif en la matière. Un autre exemple serait la manière dont est évaluée la crédibilité des témoins au Maroc, soit en fonction de l’ampleur de leur réseau de contacts. La logique étant que plus un témoin noue d’associations, plus le fait de mentir sera susceptible de nuire à sa réputation. Les auteurs expliquent aussi que le droit est susceptible de modifier la culture, en prenant l’exemple de la valorisation des minorités ethniques et des handicapés à travers des lois leur accordant des droits fondamentaux. La question de la conscience du droit renvoie, quant à elle, à la manière dont les justiciables perçoivent le droit, tantôt d’une manière positive et tantôt d’une manière négative. Un exemple du premier serait la source d’aide que représentent les programmes sociaux pour les plus défavorisés et un exemple du second serait la limite législative en France au nombre de 35 heures par semaine pour les cadres qui désirent travailler davantage. Les auteurs établissent d’emblée dans ce chapitre que les jugements ne sont pas exclusifs au monde judiciaire. Tout le monde peut porter un jugement face à une situation qu’il vit et, dépendamment de sa définition de la justice, qualifier la situation de juste ou d’injuste. De manière plus formelle, d’autres institutions que les tribunaux peuvent rendre un jugement. La décision de retirer à Lance Armstrong ses titres pour cause de dopage en serait un exemple. L’analyse des auteurs porte ensuite sur la spécificité du jugement judiciaire. Celui-ci est tout d’abord la suite logique d’un individu qui réclame justice dans un contexte où un règlement à l’amiable s’est souvent révélé infructueux. En théorie, le jugement se résume à l’interprétation que fait le juge du droit à la lumière des faits, mais les auteurs rappellent qu’en pratique les propriétés sociales du justiciable, les valeurs du juge et la conséquence pratique de la décision sur la société seront prises en considération. Les auteurs ouvrent ce chapitre en établissant que l’État est structuré par le droit. Les pouvoirs de chaque organe politique se retrouvent ainsi précisés dans les lois, ce qui accorde à l’État une légitimité toute particulière. Cette légitimité se renforce aussi par la présence dans la société de juges, de légistes et d’avocats qui pratiquent le droit au …

Parties annexes