Chronique bibliographique

Barry Wright, Eric Tucker et Susan Binnie (dir.), Canadian State Trials : Security, Dissent, and the Limits of Toleration in War and Peace, 1914-1939, vol. 4, Toronto, University of Toronto Press, 2015, 544 p., ISBN 978-1-4426-3108-3[Notice]

  • Francis Villeneuve Ménard

…plus d’informations

  • Francis Villeneuve Ménard
    Université d’Ottawa

Née sous l’impulsion du regretté F. Murray Greenwood, la série Canadian State Trials se veut en quelque sorte le pendant canadien d’une célèbre édition d’un recueil britannique – connue sous le nom suivant : Howell’s State Trials – publiée au début du xixe siècle, qui présentait des comptes rendus de procès tenus en Angleterre entre 1163 et 1820 pour des infractions contre l’État, lesquels étaient savamment agrémentés de commentaires critiques. La version canadienne s’en distingue cependant par son souci de s’astreindre aux exigences contemporaines de la recherche universitaire, aux normes qui gouvernent les disciplines qu’elle marie, à savoir l’histoire et le droit. Seconde différence : l’objectif n’est plus de transcrire des procès, mais d’examiner la manière dont l’État a répondu, à des périodes distinctes, à ce qu’il percevait, à tort ou à raison, comme des menaces à sa sécurité. Si l’accent est toujours mis sur l’aspect juridique de cette réponse, l’approche ne se limite pas à la seule arène judiciaire et au recours aux infractions politiques au sens strict. Le quatrième volume de cette série, dirigé par les professeurs Barry Wright (Carleton) et Eric Tucker (Osgoode Hall) ainsi que par l’historienne du droit Susan Binnie, se penche sur une période mouvementée de l’histoire canadienne (1914-1939), marquée à la fois par la Première Guerre mondiale et par les luttes ouvrières de l’entre-deux-guerres. Dans leur introduction à cet ouvrage, ces derniers rappellent les principaux événements qui l’ont ponctuée – du déclenchement de la Grande Guerre à la Marche sur Ottawa, en passant par la crise de la conscription et la grève générale de Winnipeg – tout en présentant un portrait détaillé des divers instruments juridiques qui étaient, au début du xxe siècle, plus ou moins directement liés à la sécurité nationale. Ils soulignent à juste titre que, au-delà du recours aux infractions de sédition ou à d’autres crimes de ce genre, les différents paliers de gouvernement faisaient fréquemment appel à des catégories juridiques moins connotées politiquement (pensons, par exemple, aux règles relatives au maintien de l’ordre public ou à celles qui étaient prévues par le droit de l’immigration) ou à des mesures informelles (refus d’accorder un permis de manifester, infiltration de groupes radicaux, etc.) pour limiter la dissidence. Cette introduction est suivie de onze chapitres proprement dits, présentés dans un ordre relativement chronologique, et de trois annexes. Passons rapidement sur ces dernières : deux fournissent des conseils techniques aux chercheurs et chercheuses s’intéressant à de tels enjeux, que ce soit quant aux différents fonds d’archives – publiques ou privées – consultables auprès de Bibliothèque et Archives Canada ou quant aux types de difficultés susceptibles d’être éprouvées à l’occasion de demandes d’accès à l’information. La troisième annexe s’avère particulièrement utile tout au long de la lecture de l’ouvrage, dans la mesure où y sont reproduits des extraits de lois, de décrets, de proclamations, de notes ou de jugements auxquels on fait référence dans le corps du texte, ce qui évite ainsi que de longues citations et des dédoublements l’alourdissent, tout en permettant un accès rapide à des documents qui ne sont pas, pour la plupart, aisément accessibles. Les deux premiers chapitres de l’ouvrage traitent des mesures prises par le Canada comme par d’autres pays de l’Empire britannique à l’endroit des sujets de pays ennemis résidant sur leur territoire lors de la Première Guerre mondiale. Bohdan S. Kordan, professeur de relations internationales (Saskatchewan) et directeur du Prairie Centre for the Study of Ukrainian Heritage, examine en détail deux instruments juridiques à l’origine de l’internement de plus de 8 500 immigrants canadiens et de la surveillance et du contrôle d’au-delà de 85 000 …

Parties annexes