Chronique bibliographique

Julie Desrosiers et Geneviève Beausoleil-Allard, L’agression sexuelle en droit canadien, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2017, 405 p., ISBN 978-2-89730-310-5[Notice]

  • Claudie-Émilie Wagner-Lapierre

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  • Claudie-Émilie Wagner-Lapierre
    Université Laval

En 2008, la professeure Julie Desrosiers de la Faculté de droit de l’Université Laval signait un ouvrage intitulé L’agression sexuelle en droit canadien. À l’occasion de la seconde édition, elle s’est adjoint une coauteure, la doctorante Geneviève Beausoleil-Allard. Faut-il rappeler que l’édition parue au début des années 2000 était l’un des premiers textes de droit positif publié depuis la réforme du droit criminel de 1983 ? Aujourd’hui encore, il existe peu de doctrine sur l’agression sexuelle en droit canadien, d’autant plus si l’on privilégie les publications francophones. La nécessité d’une mise à jour de l’ouvrage prend alors tout son sens. Dans cette nouvelle édition, les deux signataires proposent une fois de plus un tour d’horizon complet des questions relatives aux règles appliquées au Canada en matière de poursuite pour agression sexuelle. Cependant, elles ne se limitent pas à les expliquer : elles poussent davantage leur analyse. Elles offrent, en effet, un outil qui cherche « à percer les valeurs sur lesquelles les règles juridiques se construisent » (p. 2). Aussi s’attachent-elles à montrer les préjugés sexistes de la société, lesquels modèlent encore le droit des agressions sexuelles. Cet ouvrage de référence bien documenté se révèle accessible à tous. Le style en est simple et le droit, bien vulgarisé. Sa facture n’a pas changé depuis la première édition. En plus d’un chapitre sur le contexte sociohistorique, les auteures consacrent également un chapitre entier aux éléments constitutifs de l’agression sexuelle et à ses différentes modalités, aux moyens de défense, à la preuve et à la procédure, de même qu’aux sanctions. Afin de soutenir leurs propos, elles ont veillé à étudier tous les jugements pertinents de la Cour suprême du Canada sans égard à leur année de publication et l’ensemble des jugements de la totalité des cours d’appel du pays depuis 2000. Mentionnons que les deux auteures ont effectué une recherche colossale et se sont assurées d’inclure dans leur ouvrage des statistiques ainsi que des informations provenant de rapports et de documents scientifiques. Ces informations, pourtant très pertinentes en vue de saisir tous les enjeux qui entourent la poursuite des agressions sexuelles, notamment dans le cas des victimes en ce qui concerne la dénonciation et la double victimisation, sont malheureusement souvent éludées dans les ouvrages de droit criminel. Dans les faits, les agressions sexuelles s’inscrivent toujours dans un contexte particulier que les auteures s’assurent de bien faire ressortir. Particulièrement intéressant, le premier chapitre de l’ouvrage met en contexte l’évolution législative des crimes sexuels. Le tableau que les auteures peignent permet de mieux saisir les mythes tenaces qui continuent à nuire aux victimes d’une agression sexuelle, au cours d’un procès criminel. Elles y décrivent les trois perspectives théoriques qui ont influé sur l’appareil judiciaire : le conservatisme, le libéralisme et, enfin, le féminisme. Parmi les sujets traités se trouvent l’évolution législative de la définition du viol, l’exception maritale, le critère de résistance et celui de la plainte spontanée, la corroboration par un autre élément de preuve et la preuve du passé sexuel de la victime. Bien qu’il ne s’agisse pas d’« un tableau exhaustif des différentes dispositions et amendements législatifs » (p. 7), selon l’aveu même des auteures, ce chapitre est essentiel à une bonne compréhension des enjeux entourant la judiciarisation des agressions sexuelles. Prenons l’exemple du critère de résistance issu de la common law. D’après ce critère, une femme ne pouvait avoir subi une agression sexuelle qu’en présence d’une preuve qu’elle s’était défendue physiquement. Ainsi, « la passivité (ne pas se débattre, ne pas crier, obéir) soulevait un doute raisonnable quant à l’absence de consentement » (p. 68). La Cour suprême a …

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