Conférence annuelle Claire-L’Heureux-Dubé

La réconciliation : notre responsabilité à tous[Notice]

  • Sheilah L. Martin

…plus d’informations

  • Sheilah L. Martin
    Juge, Cour suprême du Canada

Le texte qui suit a été présenté lors de la 15e Conférence annuelle Claire-L’Heureux-Dubé qui s’est déroulée le 7 septembre 2018, à l’Université Laval.

Je reconnais que le territoire où nous sommes réunis est le territoire traditionnel du peuple huron-wendat. J’aimerais d’abord remercier la Faculté de droit de l’Université Laval pour son accueil chaleureux et pour l’honneur qu’elle me fait en me donnant la parole aujourd’hui. Je considère particulièrement approprié que la rentrée universitaire et la rentrée judiciaire s’amorcent par une conférence destinée à ouvrir les coeurs et les esprits. Je suis ravie de participer à un événement soulignant l’incroyable héritage de Mme la juge L’Heureux-Dubé. Toute sa carrière, elle « a éprouvé énormément de satisfaction à appuyer des groupes qui n’avaient “pas été traités équitablement dans le passé” ». Qu’il s’agisse des survivantes d’agressions sexuelles dans l’arrêt R. c. Seaboyer, des femmes divorcées dans l’arrêt Moge c. Moge, des couples de même sexe dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Mossop ou des revendicateurs de droits ancestraux dans l’arrêt R. c. Van der Peet, elle n’a jamais eu peur de défendre ses convictions. Même si elle ne faisait pas toujours partie de la majorité — certes un euphémisme —, elle s’exprimait d’une voix limpide et singulière, qui continue de résonner aujourd’hui. Pour elle, une opinion dissidente s’adresse souvent aux juristes de l’avenir. Eh bien, ces juristes sont assis dans cette salle. Outre qu’elle est une formidable force jurisprudentielle, la juge L’Heureux-Dubé est aussi une amie chère. Quand j’ai fait sa connaissance, à mes débuts comme professeure de droit, nous avons échangé sur le droit et la vie en général. Elle a alors généreusement accepté de partager sa sagesse avec moi, tout en me faisant gracieusement sentir que c’était réciproque. Si les États-Unis peuvent se targuer d’avoir leur célèbre RBG (Ruth Bader Ginsburg), le Canada possède sa tout aussi célèbre LHD ou, comme on l’appelle affectueusement ici, chez elle : Claire. Il n’y a pas de mots assez forts pour exprimer ce que représente pour moi le fait de me trouver dans votre faculté aujourd’hui, afin d’y prononcer ma première conférence au Québec à titre de juge de la Cour suprême du Canada. Même si je suis née à Montréal, et si j’ai grandi et étudié au Québec, je sollicite tout de suite votre indulgence au cas où ma capacité de m’exprimer en français ne se révélerait pas à la hauteur de mon amour pour cette langue et de mon désir de la maîtriser. Cela dit, je me sens véritablement chez moi ici. Je me souviens très bien de ma première journée à la Faculté de droit de l’Université McGill, alors que j’étais assise dans une salle comme celle-ci. Je me demandais si j’étais assez intelligente, et je craignais de ne pas réussir. Il n’y avait pas d’avocat dans ma famille. De fait, mon père a été le tout premier — tant dans sa famille que dans celle de ma mère — à étudier à l’université. Mais j’étais bien déterminée à faire de mon mieux et j’ai travaillé très fort. Fait intéressant, cette appréhension qui m’habitait lors de mon premier jour à la faculté de droit, je l’ai par la suite ressentie chaque fois que j’entreprenais quelque chose de nouveau. Ce fut également le cas en janvier dernier, quelque 40 ans plus tard, quand j’ai pris place dans mon nouveau fauteuil. À McGill, j’ai étudié le droit civil, et je suis immédiatement tombée en amour avec sa structure, sa cohérence et son attachement aux principes. Pendant toutes mes années au sein de la tradition de common law, je n’ai jamais cessé d’être étonnée par le nombre d’occasions où ma formation en droit civil m’a permis d’affiner mon raisonnement et d’approfondir mon …

Parties annexes