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  • Anne-Marie Boisvert

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  • Anne-Marie Boisvert
    Professeure titulaire, Faculté de droit, Université de Montréal

Le droit pénal est très largement sollicité dans la société actuelle comme mode de solution des problèmes sociaux. Il y a eu, au fil des dernières années, une prolifération des infractions et un durcissement des peines suivant un courant de populisme pénal sans équivoque. Pourtant, plusieurs phénomènes contemporains témoignent de l’effritement de la relation entre le public et le fonctionnement de la justice pénale : ils mettent en exergue le fait que la « confiance du public dans l’administration de la justice » dans le domaine du droit pénal n’est pas sans limites. Les exemples abondent parmi ces phénomènes qui interpellent directement la notion de confiance du public dans l’administration de la justice pénale. Pensons à la déferlante #moiaussi qui a mis à l’ordre du jour plusieurs insatisfactions, notamment celles des victimes de violences sexuelles, par rapport au système de justice traditionnel et donné naissance à ce que d’aucuns ont qualifié de système de justice parallèle. Pour leur part, les peuples autochtones du Canada, surreprésentés dans le système de justice pénale, se montrent particulièrement méfiants envers ce dernier qui se révèle une source d’oppression et de discrimination. La confiance du public dans le système de justice pénale se trouve aussi mise à mal par la surmédiatisation de certaines affaires dont les verdicts d’acquittement ou l’abandon des poursuites sont régulièrement présentés comme des illustrations de l’échec généralisé du système de justice au sens large. Que disent ces éléments sur l’actuel système de justice pénale, sur son fonctionnement et sur sa place, ou celle qu’il devrait occuper, dans la société ? Ces phénomènes exigent, entre autres choses, que les pénalistes se penchent sur le concept même de confiance du public, qu’ils étudient en profondeur sa portée, son potentiel réformateur, ses limites et les dangers que recèle son utilisation à des fins populistes en matière pénale. Pour réfléchir à cet égard, il importe d’aborder des questions essentielles telles que la conceptualisation de la confiance du public par le système de justice pénale lui-même qui justifie certaines décisions en recourant à cette notion. Il faut aussi analyser la manière dont les pouvoirs politiques envisagent la notion de confiance du public dans la justice pénale. Y a-t-il un lien entre la confiance du public et les peines sévères ? Qu’en est-il du rapport entre la confiance du public et les devoirs d’impartialité et d’indépendance des tribunaux à l’égard de l’opinion publique ? Le maintien de la confiance du public sert-il principalement aujourd’hui d’argument pour valoriser des peines et des procédures qui menacent les droits des accusés ? Ou encore peut-il jouer le rôle de fondement quant à la réforme du fonctionnement de certaines institutions comme les services de police, les services de poursuite, le tribunal lui-même ou le jury ? Le maintien de la confiance du public dans l’administration de la justice passe-t-il par une revalorisation des objectifs traditionnels du système de justice pénale, généralement associés à la punitivité, ou — au contraire — par la mise en place de nouvelles conditions de dialogue entre les victimes, les accusés et la collectivité ? La confiance du public dans l’administration de la justice peut-elle faire l’économie des médias ? Les cinq articles réunis autour de la thématique du présent numéro ne permettent pas d’épuiser le sujet ni d’apporter toutes les réponses aux interrogations complexes qui se posent lorsqu’il est question de réfléchir au concept clé de la confiance du public dans l’administration de la justice pénale. Cependant, ils nous semblent contribuer significativement à la réflexion sur le sujet, tout en illustrant ses multiples perspectives. Dans leur texte, Richard Dubé et Margarida Garcia explorent, à partir d’une …